« Guillemets »
Extraits, Citations — Quotes, Excerpts

— C'est banal comme idée, grommela Charles
— Je dis souvent des choses banales, dit Adamsberg. Je me répète, j'énonce des évidences premières, en bref, je déçois. Ça ne vous arrive jamais, monsieur Reyer ?
— J'essaye d'éviter, dit l'aveugle. Je déteste les conversations ordinaires.
— Pas moi, dit Adamsberg. Ça m'indiffère.

Fred Vargas, L'homme aux cercles bleus
12/30/2004 01:05:00 PM

Un maniaque, ça règle son univers au millimètre près. Sinon ce n'est pas la peine d'avoir une manie. Une manie, c'est fait pour organiser le monde, pour le contraindre, pour posséder l'impossible, pour s'en protéger.

Fred Vargas, L'homme aux cercles bleus
12/30/2004 01:03:00 PM

via Jonathan Carroll's blog

For a long time, she held a special place in my heart. I kept this special place just for her, like a reserved sign on a quiet corner table in a restaurant.

Haruki Murakam
11/30/2004 01:27:00 AM

via Jonathan Carroll, 2004.10.20

Cary Grant : I'm going to tell you the secret to seducing women.
The screenwriter : You're full of shit. You're Cary Grant. You can have any woman you want in the world. What the hell do you know about seducing women ?


11/29/2004 04:54:00 PM

Via l'article d'Olivier Davenas dans Le panorama illustré de la fantasy & du merveilleux

C'est dans la joie et non pas dans la peine que l'homme a trouvé son esprit. La conquête du supeerflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire. L'homme est une création du désir, non pas une création du besoin.

Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu
11/04/2004 02:04:00 AM

Il y a un homme qui en cherche un autre. […] Le livre, c'est sa recherche. […] Il arrive à Bombay, il a l'adresse d'un hôtel borgne où j'ai logé longtemps et il se met à chercher. Là, il rencontre une fille qui m'a connu à une époque et elle lui apprend que je suis tombé malade, que je suis allé à l'hôptial, et enfin que j'avais des contacts avec des gens du sud de l'Inde. Alors, il me cherche à l'hôpital, qui se révèle en fait être une fausse piste, ensuite il quitte Bombay et commence un voyage, mais en réalité il voyage pour d'autres raisons. Le livre, c'est surtout cela : son voyage.

Antonio Tabucchi, Nocturne indien
11/03/2004 02:35:00 AM

Dans le hall de l'hôtel Zuari, il y a un grand comptoir semi-circulaire derrière lequel se tien un réceptionniste gras toujours occupé à parler au téléphone. Il vous inscrit en parlant au téléphone, il vous donne la clef en parlant au téléphone : et, à l'aube, quand le petit jour vous avertit que vous pouvez enfin renoncer à l'hospitalité de votre chambre, vous le trouverez encore en train de parler au téléphone d'une voix monotone, basse, indéchiffrable. À qui parle le réceptionniste de l'hôtel Zuari ?

Antonio Tabucchi, Nocturne indien
11/03/2004 02:35:00 AM

Il peut aussi nous arriver, dans la vie, de passer une nuit à l'hôtel Zuari. Sur le moment, il es possible que nous ne trouvions pas la chose particulièrement agréable ; mais dans le souvenir, comme toujours dans les souvenirs, une fois éliminés les sensations physiques immédiates, les odeurs, la couleur, la vue de telle bestiole sous le lavabo, l'événement s'entoure d'un certain flou qui embellit l'image. La réalité passée est toujours moins maivaise qu'elle ne le fut effectivement : la mémoire est une formidable faussaire. Dans notre esprit, des contaminations se font à notre insu, et des hôtels de ce genre peuplent déjà notre imaginaire : nous les avons déjà trouvés dans les livres de Conrad ou de Maugham, dans certains films américains tirés des romans de Kipling ou de Bromfield : tout cela nous semble familier.

Antonio Tabucchi, Nocturne indien
11/03/2004 02:35:00 AM

Décide-toi un peu pour cette nénette. la laisse pas te tanner les couilles pour s'en faire un portefeuille ! Dis lui juste d'aller se faire voir dans la lune, et puis dis lui que tu descends à Big Sur pour laisser ton âme s'ébattre en liberté dans le camp des coyotes. Dis lui que tu vas vivre dans une cabane qu'à une douzaine de poêles qui marchent au whisky jusqu'à ce que les glaces envahissent le ciel.

Richard Brautigan, Un général sudiste de Big Sur
11/03/2004 02:34:00 AM

Il faudrait un sacré paquet de céléri-rave pour construire un cuirassé.

Richard Brautigan, Un général sudiste de Big Sur
11/03/2004 02:34:00 AM

Lee Mellon n'avait pas l'accent du Sud. "Tu n'as pas tellement l'accent du Sud", j'ai dit.

— C'est vrai, Jesse. J'ai beaucoup lu Nietzsche, Schopenhauer et Kant quand j'étais gosse", dit Lee Mellon

Je suppose que bizarrement l'accent du Sud n'était pas censé résister à de telles lectures. Lee Mellon le pensait en tout cas. Il m'était impossible de discuter vu que je n'avais jamais essayé d'opposer un accent du Sud aux philosophes allemands.

Richard Brautigan, Un général sudiste de Big Sur
11/03/2004 02:34:00 AM

Cela aurait pu être une histoire drôle, n'était le fait que les gens ont besoin d'un peu d'amour, et bon dieu que c'est triste, parfois, de voir toute la merde qu'il leur faut traverser pour en trouver.

Richard Brautigan, La vengeance de la pelouse

11/03/2004 02:34:00 AM

Ses vêtements flasques et qui ne ressemblaient à rien l'enveloppaient comme le drapeau d'un pays vaincu et il donnait l'impression de n'avoir jamais de sa vie reçu d'autre courrier que des factures.

Richard Brautigan, La vengeance de la pelouse
11/03/2004 02:34:00 AM

Les vieux ont cette façon de s'approprier les sièges sur lesquels ils finissent leur vie.

Richard Brautigan, La vengeance de la pelouse
11/03/2004 02:33:00 AM

J'ai essayé de te décrire à quelqu'un, il y a quelques jours. Tu ne ressembles à aucune autre fille.

Je ne pouvais pas dire : — Eh bien, elle ressemble à Jane Fonda, sauf qu'elle a les cheveux roux, qu'elle n'a pas la même bouche, et que bien sûr ce n'est pas une vedette de cinéma.

Je ne pouvais pas dire cela parce que tu ne ressembles pas du tout à Jane Fonda.

J'ai fini par te décrire en te comparant à un film que j'ai vu enfant à Tacoma.

Richard Brautigan, La vengeance de la pelouse
11/03/2004 02:33:00 AM

— Quand on habite dans cet hôtel, mourir, c'est gravir un échelon.

Richard Brautigan, La vengeance de la pelouse
11/03/2004 02:33:00 AM

La vie se résume parfois à une histoire de café, et au peu d'intimité qu'une tasse de café peut créer.

Richard Brautigan, La vengeance de la pelouse
11/03/2004 02:33:00 AM

Peux pas me laisser abattre.
Si je me laisse avoir par tout ça, je commence à penser à Babylone et alors ça ne fait qu'empirer parce que je préfère penser à Babylone qu'à n'importe quoi d'autre et quand je commence à penser à Babylone je ne peux faire que penser à Babylone et puis ma vien entière part à vau-l'eau.

Richard Brautigan, Un privé à Babylone
11/03/2004 02:33:00 AM

— Quelqu'un aurait du l'emmener dans une papeterie et lui expliquer la différence entre une enveloppe et une pute.

Richard Brautigan, Un privé à Babylone
11/03/2004 02:32:00 AM

C'était un flic très coriace. Le champion du monde des coriaces, je crois que c'était lui. Il avait mis au point une baffe qui laissait l'empreinte exacte des doigts sur la figure, on aurait dit une marque provisoire au fer rouge.

Richard Brautigan, Un privé à Babylone
11/03/2004 02:32:00 AM

Trois bons crochets du droit dans les tripes et j'ai pris la direction du réfrigérateur.

Grossière erreur.

J'ai regardé dedans et je me suis dépêché de fermer la porte en vitesse quand l'espèce de jungle luxuriante qui était à l'intérieur a essayé de s'échapper. Je ne sais pas comment les gens font pour vivre comme moi. Mon appartement est si sale qu'il n'y a pas longtemps j'ai remplacé toutes les ampoules de soixante quinze watts par des ampoules de vingt-cinq pour ne plus être obligé de voir tout ça. C'était un luxe, bien sûr, mais je n'ai pas pu faire autrement. Heureusement que l'appartement n'a pas de fenêtres, parce que alors là j'aurais vraiment été dans la panade.

Mon appartement était si sombre qu'on aurait dit l'ombre d'un appartement. Je me demande si j'ai toujours vécu comme ça.

Richard Brautigan, Un privé à Babylone

11/03/2004 02:31:00 AM

Elle portait toujours une robe de chambre mal fermée dissimulant un corps qui aurait gagné le premier prix au concours du plus beau parpaing.

Richard Brautigan, Un privé à Babylone
11/03/2004 02:31:00 AM

Comment nous attarder sur des livres auxquels, sensiblement, l'auteur n'a pas été contraint ?

Bataille
11/02/2004 02:01:00 AM

via Moreta

Ceux qui rêvent éveillés ont connaissance de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu'endormis

E.A. Poe
10/22/2004 04:34:00 AM

via TLÖN, UQBAR, ORBIS TERTIUS

Ne parler qu'avec les mots des autres, c'est ce que je voudrais faire. Ce doit être ça la liberté.

J.Eustache
10/21/2004 05:06:00 AM

via Carnet d'Outre-Rhin

La vie, c'est le truc qui passe pendant qu'on multiplie les projets

John Lennon
10/21/2004 02:01:00 AM

lu pour la première fois dans un lettre d'Alice

Qu'est-ce qu'un adulte ? C'est quelqu'un qui est absent de sa parole comme de sa vie - et qui le cache. C'est quelqu'un qui ment. Il ment non sur telle ou telle chose, mais sur ce qu'il est. Un enfant devient adulte quand il est capable d'un tel mensonge profond, essentiel.

Christian Bobin
10/20/2004 07:58:00 AM

via Voyelle

[…] il n'est vraiment pas nécessaire de prendre son vol pour arriver au beau milieu du soleil, mais il importe de ramper sur terre jusqu'à ce que l'on y trouve une petite place propre où le soleil luit parfois et où il est possible de se réchauffer un peu.

Kafka, Lettre au père
10/20/2004 07:50:00 AM

— Maman, où il est Papa ?
— Il regarde les étoiles.
— Maman, toi aussi tu détestes Papa ?
— Oui, mon enfant. Moi aussi je le déteste.
— Maman, je t'aime. Tu sais pourquoi ?
— Pourquoi ?
— Parce que toi aussi tu détestes Papa. C'est amusant de détester Papa, tu ne trouves pas ?
— Oui, mon enfant.
— Maman, pourquoi Papa regarde-t-il tout le temps les étoiles ?
— Parce que c'est un trou du cul.
— Et les trous du cul, ils regardent tout le temps les étoiles, hein, Maman ?
— Ton père, oui, en tout cas.

Richard Brautigan, Mémoires sauvés du vent
10/14/2004 04:51:00 AM

Il y avait assez de jouets dans leur cour pour toute une armada d'enfants. […] Il y avait à peu près la valeur de dix arbres de noël en jouets cassés ou en jouets qui avaient de graves ennuis et s'acheminaient vers leur destruction. […] Je me demandais comment ces filles faisaient pour ne pas se blesser gravement en trébuchant sur leurs jouets, pour ne pas se casser le cou ou se couper la tête avec des jouets cassés. Mais tout se passa parfaitement bien jusqu'à la mort d'une des filles.

Richard Brautigan, Mémoires sauvés du vent
10/14/2004 04:44:00 AM

C'est à peine si ma mère tolérait mon existence. Elle pouvait faire avec ou sans moi. De temps en temps, elle passait par des périoes d'intense affection pour moi. Cela me rendait toujours très nerveux et j'étais content lorsqu'elle en revenait à la simple tolérence de mon existence.

Richard Brautigan, Mémoires sauvés du vent
10/14/2004 04:39:00 AM

Je crois qu'il avait douze ans, qu'il était scout et que, peu après avoir emménagé à côté, il avait hérité de la tournée de distribution d'un journal parce qu'il avait une bicyclette et de l'ambition. Il se préparait à une existence tendue par la responsabilité et la réussite. […]

Ce qui l'intéressait, lui, c'était de travailler dur et d'en retirer les satisfactions et les fruits.

Moi, j'aimais bien regarder les toiles d'araignée, écouter les vieux parler du temps où Teddy Roosevelt était Président, regarder les anciens combattants de la Grande Armée de la République défiler dans la rue en nombre toujours décroissant au fur et à mesure qu'ils s'approchaient du XXe siècle.

Richard Brautigan, Mémoires sauvés du vent
10/14/2004 04:28:00 AM

via the movie Eternal sunshine

How happy is the blameless vestal's lot !
The world forgetting, by the world forgot.
Eternal sunshine of the spotless mind !
Each pray'r accepted, and each wish resign'd.

Alexander Pope
10/11/2004 02:06:00 AM

Parfois les relations sont comme des châteaux de cartes… Non… Reformulons. Les relations sont des foutus châteaux de cartes.

On passe un temps fou à les construire… Ils sont parfaits, ils ont l'air solides, mais ces fichus trucs stupides sont aussi fragiles que du verre !

Le temps passé dessus n'a aucune importance… Il suffit de vouloir… Pour tout briser… D'un seul souffle.

Terry Moore, Strangers in Paradise #7 Sanctuaire
7/30/2004 04:32:00 PM

Mais parfois je ralentis les événements volontairement. Quand c'est vraiment important, je prends mon temps.

Et vous savez quoi ? Les vraies choses ? Les choses qui durent ? Elles vous attendent.

Parfois, c'est la seule manière dont je peux savoir si une chose est vraie ou non. J'avance lentement, et si elle est toujours là, alors c'est vrai.

Terry Moore, Strangers in Paradise #4 Love me tender
7/30/2004 02:52:00 PM

Putain je le crois pas. Je le crois pas. Je refuse de le croire. Regarde-moi ces connards. […] Ils ne savent même pas ce qu'ils font. Ils attendent. Tu m'entends ? Ils attendent. Et pendant qu'ils attendent, il ne se passe rien et quand ils auront cessé d'attendre, il ne se passera rien non plus, et pendant qu'ils auront attendu, il ne se sera rien passé.

Will Self, Attendre
7/20/2004 04:56:00 AM

Algernon : It is awfully hard work doing nothing. However, I don't mind hard work where there is no definite object of any kind.

Oscar Wilde, The importance of being earnest
7/14/2004 05:06:00 AM
Algernon
All women become like their mothers. That is their tragedy. No man does. That's his.
Jack
Is that clever ?
Algernon
It's perfectly phrased ! and quite as true as any observation in civilized life should be
Jack
I am sick to death of cleverness. Everybody is clever nowadays. You can't go anywhere without meeting clever people. The thing has become an absolute public nuisance. I wish to goodness we hada few fools left.
Oscar Wilde, The importance of being earnest
7/14/2004 05:02:00 AM

Algernon : Relations are simply a tedious pack of peoplen who haven't got the remotest knowledge of how to live, nor the smallest instinct about when to die

Oscar Wilde, The importance of being earnest
7/14/2004 05:00:00 AM
Jack
Charming day it has been, miss Fairfax
Gwendolen
Pray don't talk to me about the weather, Mr.Worthing. Whenever people talk to me about the weather, I always feel quite certain that they mean something else. And that makes me so nervous.
Jack
I do mean something else.
Gwendolen
I thought so. In fact, I am never wrong.
Oscar Wilde, The importance of being earnest
7/14/2004 04:56:00 AM

Algernon : The truth is rarely pure and never simple. Modern life would be very tedious if it was either, and modern litterature a complete impossibility !

Oscar Wilde, The importance of being earnest
7/14/2004 04:53:00 AM

— Je ne qualifierais pas Musashi d'homme ordinaire.
— Pourtant, il l'est. Voilà bien ce qu'il y a d'extraordinaire en lui. Il ne se contente pas de compter sur les dons naturels qu'il peut avoir. Se sachant ordinaire, il essaie toujours de s'améliorer. Nul ne se fait la moindre idée de l'effort surhumain qu'il a du fournir. Maintenant que ses années d'entrainement ont donné des résultat aussi spectaculaires, tout le monde parle de ses "talents innés".

Eiji Yoshikawa, Musashi
6/29/2004 04:32:00 AM

Ne perds pas ton temps à essayer d'impressionner les autres. Si tu deviens le genre d'homme que les gens peuvent respecter, ils te respecteront sans que tu aies à lever le petit doigt.

Eiji Yoshikawa, Musashi
6/29/2004 04:28:00 AM

Il faut comprendre qu'en cet automne 1575, Venise n'avait déjà plus rien d'une ville : elle était devenu un songe — un phantasme boursouflé et fiévreux, une rêverie baroque, imprévisible et terrifiante, échappant à tout contrôle.

Fabrice Colin, Les cantiques de Mercure
6/26/2004 04:50:00 AM

il me parle de Dante, de Virgile, de Rome et de Florence, de Corrège, de Titien et de Raphaël, j'évoque pour lui les images de l'Olympe, notre monde intérieur, perdu à jamais, je lui dis combien l'herbe était moelleuse, combien le miel était doux, et il parle, il parle encore, Vénus, Hamlet, Ulysse, le Décaméron, Faust et Méphisto, et les souvenirs me reviennent, je lui parle vie, je lui parle mort, et défaites à venir, il me dit Moïse, il me dit Tarquin, Hercule et les rois mages, tu es le prophète de ton siècle, me dit-il, mais les hommes sont aveugles à ton génie, et il le resteront longtemps, qui es-tu ? demande-t-il encore, et je lui dis : qui peut savoir ? Un homme, un Dieu, une force, une onde ? J'évoque Tirtée, il dit Orphée, je connais mieux son oeuvre qu'il ne la connaîtra jamais, je lui dis, demain tu auras oublié, comme mon frère, mais tu as le don pour nous voir et ton art en restera marqué, nous parlons Cléopâtre, Ganymède, Salomé, le Christ et les Argonautes, il me supplie de rester, il me dit reste, reste, je t'en prie, car avec toi s'évanouira mon génie, et si tu pars, oh ! si tu pars ! mais je passe une main sur sa joue, comme un ange, je lui dis non, non, au contraire, nous vivons en toi désormais, et tant que tes semblables continueront à peindre, notre souvenir survivra, il me demande pourquoi mourir et je lui dis que c'est ainsi, que c'est voulu, je lui dis que nous sommes condamnés, que des forces sont à l'oeuvre et que l'espoir s'amincit de jour en jour, mais quelles forces ? me questionne-t-il encore, et je lui dis qu'un jour il peindre l'ange déchu en mémoire de moi, gardien d'un troupeau de femme dans une plaine infernale, je lui dis qu'à sa façon il est un dieu lui aussi, un assembleur de rêves, il me dis Hésiode, Eurydice et le Sphinx, puis notre conversation se fait murmure, notre murmure se fait tristesse, notre tristesse se fait silence […]

Fabrice Colin, Les cantiques de Mercure

6/26/2004 04:49:00 AM

Le soleil venait dorer ta chevelure.

Tu es morte. Je vis. Il y a

Encore un jour, une aurore.

Pessoa
6/22/2004 05:20:00 AM

Lu chez Babils

Ce qui m'exaspère dans l'écriture, c'est son caractère successif. Je ne parle pas de l'ordre chronologique (je suis évidemment libre de me servir de flashes-back si je le veut), mais du simple fait dêtre obligée d'écrire l'histoire d'une phrase à la fois - on voudrait créer à la manière de dieu - tout, d'un seul coup, dans un fabuleux éclat d'énergie - le big-bang, le minuscule foetus, la chose qui est, dans l'instant, et qui peu à peu se diversifie, se spécialise, s'étandant dans tous les sens à la fois… Le roman est d'une linéarité enrageante. Imagine t'on dieu en train de fabriquer Adam comme les enfants jouent au pendu : d'abord la tête, ensuite le cou et les épaules, puis un bras, puis l'autre ? ou en train de créer une galaxie étoile par étoile ? Même la Création telle que la génèse la décrit est absurdement laborieuse, absurdement humaine : le premier jour il fit ceci, le deuxième jour celà… grotesque !

Nancy Huston, Instruments des ténèbres
6/22/2004 04:13:00 AM

En revanche, un esprit joueur et sacrilège trouvera quelque amusement en réflechissant à la façon dont les gens vivraient si une journée durait aujourd'hui dix heures, demain quatre-vingt-cinq, et après-demain quelques minutes. […] Malheureusement, ce n'est pas ainsi que les choses se passent. L'exactitude est toujours morose, et nos calendriers, où la vie du monde est calculée à l'avance, rappellent des programmes d'examen incontournables. […] En revanche, comme la monotonie du monde est parfois magnifiquement, lumineusement rompue par le livre d'un génie, une comète, un crime ou même simplement une nuit blanche !

Vladimir Nabokov, La vénitienne
5/09/2004 05:33:00 AM

Tu comprends, lui avait-il dit en plissant son front pur et en vidant vigoureusement sa pipe, je considère qu'il y a dans l'art - particulièrement en peinture - quelque chose de féminin, de morbide, d'indigne d'un homme fort. J'essaye de lutter contre ce démon parce que je sais la façon dont il perd les hommes. Au cas où je me livrerais entièrement à lui, c'est une vie non pas tranquille et mesurée, avec une quantité limitée de chagrins, une quantité limitée de plaisirs, avec des règles précises sans lesquelles tout jeu perd son charme, ce n'est pas cette vie-là qui m'attend, mais la confusion totale ou Dieu sait quoi ! Je serai tourmenté jusqu'à ma tombe, je ressemblerai à ces malheureux que j'ai rencontrés à Chelsea, à ces imbéciles vaniteux aux cheveux longs, vêtus du blousons de velours, détraqués, faibles, n'aimant que leur palette poisseuse…

Vladimir Nabokov, La vénitienne
5/09/2004 05:28:00 AM

via David Madore

I've… seen things you people wouldn't believe… Attack ships on fire off the shoulder of Orion… I watched C-beams glitter in the dark near the Tannhäuser Gate… All those… moments will be lost… in time… like… tears… in rain… Time to die.

Blade Runner
5/06/2004 04:50:00 AM

Et pour Isabelle, la vie était probablement un merveilleux vol à skis, un rire impétueux, un parfum et un froid glacial.

[…]

— Dites moi, Monfiori, que pensez-vous de cette – comment déjà ? – de cette Isabelle ?…
— Vous n'obtiendrez rien d'elle, répondit Monfiori. Elle est de la race des glisseuses. Elle ne recherche que des frôlements.

Vladimir Nabokov, Un coup d'aile
4/25/2004 09:10:00 PM

via nchicha

Ambition is a poor excuse for not having sense enough to be lazy

Edgar Bergen
4/19/2004 04:33:00 PM

via Beautiful Stuff

We are cups, constantly and quietly being filled. The trick is, knowing how to tip ourselves over and let the beautiful stuff out.

Ray Bradbury
4/17/2004 08:13:00 AM

via *.*

A human being should be able to change a diaper, plan an invasion, butcher a hog, conn a ship, design a building, write a sonnet, balance accounts, build a wall, set a bone, comfort the dying, take orders, give orders, cooperate, act alone, solve equations, analyze a new problem, pitch manure, program a computer, cook a tasty meal, fight efficiently, die gallantly. Specialization is for insects.

Robert A. Heinlein
4/17/2004 08:10:00 AM

Que reste-t-il lorsque, devenu homme, on vit sous d'autres lois, du parc plein d'ombres de l'enfance, magique, glacé, brûlant, dont maintenant, lorsqu'on y revient, on longe avec une sorte de désespoir, de l'extérieur, le petit mur de pierres grises, s'étonnant de trouver fermé dans une enceinte aussi étroite, une province dont on avait fait son infini, et comprenant que dans cet infini on ne rentrera jamais plus, car c'est dans le jeu, et non dans le parc, qu'il faudrait rentrer

Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes
4/16/2004 05:57:00 PM

The night is darkening round me,
The wild winds coldly blow ;
But a tyrant spell has bound me,
And I cannot, cannot go.

The giant trees are bending
Their bare boughs weighed with snow ;
The storm is fast descending,
And yet I cannot go.

Clouds beyond clouds above me,
Wastes beyond wastes below ;
But nothing drear can move me :
I will not, cannot go.

Emily Brontë, The Night is Darkening round Me
4/12/2004 05:01:00 PM

extrait du texte complet

We are the hollow men
We are the stuffed men
Leaning together
Headpiece filled with straw. Alas !
Our dried voices, when
We whisper together
Are quiet and meaningless
As wind in dry grass
Or rats' feet over broken glass
In our dry cellar

T.S.Elliot, The hollow men
4/12/2004 04:58:00 PM
Le médecin
Il sera une page dans un livre de dix mille pages que l'on mettra dans une bibliothèque qui aura un million de livres, une bibliothèque parmi un million de bibliothèques.
Juliette
Pour retrouver cette page, ce ne sera pas commode.
Le médecin
Mais si. Ça se retrouvera, dans le catalogue, par ordre alphabétique et par ordre de matières… jusqu'au jour où le papier sera réduit en poussière… et encore, cela brûlera certainement avant. Il y a toujours des incendies dans les bibliothèques.
Ionesco, Le roi se meurt
4/12/2004 04:53:00 PM

via Alg'

Il y a un temps où ce n'est plus le jour, et ce n'est pas encore la nuit. Il y a bien du bleu dans le ciel, mais c'est une couleur pour mémoire, une couleur pour mourir. On voit ce qui reste de bleu, et on n'y croit pas.

Christian Bobin
3/22/2004 01:35:00 PM

À force de fermer les yeux, il se refusait tout contact intime avec les formes et les matières, excluant la possibilité de ressentir un plaisir esthétique. L'univers où il portait le regard était un univers pratique. Chaque chose y avait sa valeur et son prix, et l'idée d'ensemble était d'obtenir ce dont on n'avait besoin à un prix aussi proche que possible de sa valeur. Chaque objet était considéré d'après sa fonction, estimé seulement d'après son coût, jamais pris en compte pour ses propriétés intrinsèques. Dans un sens, j'imagine qu'un tel monde devait lui paraître bien ennuyeux. Uniforme, incolore, sans relief.

Paul Auster, L'invention de la solitude
3/12/2004 07:22:00 PM

Voilà l'excipit :

Mais le tabouret le plus proche était à des kilomètres, et des toves slictueux gimblaient dans les zoibes. L’avertissement de Smiley venait une seconde trop tard.

Fredric Brown, La nuit du Jabberwock

d'un livre ayant pour incipit la traduction d'Henri Jaspirot :

Il était reveneure; les slictueux toves
Sur l'allouine gyraient et vibraient ;
Tout flivoreux vaguaient les borogoves ;
Les verchons fourgus bourniflaient.

de l'incipit du poème de Charles Ludwige Dodgson :

Twas brillig, and the slithy toves
Did gyre and gimble in the wabe :
All mimsy were the borogoves,
And the mome raths outgrabe

Lewis Carroll, Jabberwocky

dont on trouve une traducation un peu plus franglaise chez André-François Ruaud qui a d'ailleurs renommé son blog pour >> Twas Brillig :

C'est brillig et les slithy toves
Gyre et gimble dans le wabe :
Mimsy sont tous les borogoves
Et les mome-raths outgrabe

et Jabberwocky en entier dans sa version anglaise puis française peuvent se lire sur le blog dans le parc… Il existe aussi une page consacrée aux essais de traductions dans les différentes langues de ce poème magistral, Jabberwocky Variations - et d'ailleurs j'en recopie qqs unes ici…

Par Frank L. Warrin :

Il brilgue: les tôves lubricilleux
Se gyrent en vrillant dans le guave.
Enmîmés sont les gougebosqueux
Et le mômerade horsgrave.

Par André Bay :

Il était ardille et les glisseux torves
Gyraient et gamblaient sur la plade
Tout dodegoutants étaient les borororves
Les chonverts grougroussaient la nomade.

Par J.B.Brunius :

C'étaient grilleure et les tauves glissagiles
Giraient sur la loinde et guiblaient ;
Le borogauves avaient l'air tout chétristes,
Et fourgarés les rathes vociflaient.

Par Antonin Artaud :

Il était Roparant, et les Vliqueux tarands
Allaient en gibroyant et en brimbulkdriquant
Jusque-là où la rourghe est à rouarghe à ramgmbde et rangmbde à rouarghambde :
Tous les falomitards étaient les chats-huants
Et les Ghoré Uk'hatis dans le Grabugeument


2/24/2004 09:28:00 AM

via Flo

Passer à côté des êtres, les manquer, nous ne faisons que ça pendant toute une vie.

Louis Calaferte, Septentrion
2/17/2004 08:05:00 AM

Elle s'apprêtait à répondre, mais déjà l'accélération due à la pesanteur l'avait portée à l'étage inférieur, à deux, trois, quatres étages plus bas ; comme on tombe joyeusement quand on a à peine dix neuf ans !

Dina Buzzati, La jeune fille qui tombe… tombe
2/17/2004 08:03:00 AM

L'endroit où je devais la rencontrer était tellement important pour moi que toutes les rues que j'avais connues dans ma vie, et beaucoup d'autres dont je n'avais jamais entendu parler convergeaient à cet endroit.

Dino Buzzati, Le vent
2/11/2004 12:29:00 PM

J'ai les yeux fixés droit devant moi, il n'est plus question de savourer le paysage, jJe suis absorbé par la vitesse, absolument, complétement absorbé par ma conduite, il n'y a pas une minute à perdre. Qui sait pourquoi tous les autres sont ellement pressés ? Malheur si on s'attarde, ne serait-ce qu'un instant, on se trouve irrémédiablement distancé. Dans le temps, on n'éprouvait pas une telle hâte, on allait calmement.

Dino Buzzati, Les dépassements
2/10/2004 05:36:00 AM

Via Netlex

L'objet profond de l'artiste est de donner plus qu'il ne possède

Paul Valéry
2/04/2004 11:25:00 AM

Via Incipit

lire est une obscénité bien douce. Qui peut comprendre quelque chose à la douceur s'il n'a jamais penché sa vie, sa vie tout entière, sur la première page d'un livre ? Non, l'unique, la plus douce protection contre toutes les peurs c'est celle-là - un livre qui commence.

Alessandro Baricco, Châteaux de la colère
2/04/2004 09:14:00 AM

Via LeVioque

Si tôt s'en va tout ce qui s'en va !
Si jeune meurt devant les dieux tout ce qui
Meurt ! Tout est si peu !
Rien n'est savoir ! Tout est fiction !
Vis entouré de roses, aime, bois
Et tais-toi. Le reste n'est rien.

Fernando Pessoa
2/04/2004 09:02:00 AM

Via Sensible

Elle est venue la nuit de plus loin que la nuit
à pas de vent de loup de fougère et de menthe
voleuse de parfum impure fausse nuit
fille aux cheveux d'écume issue de l'eau dormante

Après l'aube la nuit tisseuse de chansons
s'endort d'un sommeil lourd d'astres et de méduses
et les jambes mêlées aux fuseaux des saisons
veille sur le repos des étoiles confuses

Sa main laisse glisser les constellations
le sable fabuleux des mondes solitaires
la poussière de Dieu et de sa création
la semence de feu qui féconde les terres

Mais elle vient la nuit de plus loin que la nuit
à pas de vent de mer de feu de loup de piège
bergère sans troupeaux glaneuse sans épis
aveugle aux lèvres d'or qui marche sur la neige.

Claude Roy, La nuit
2/03/2004 02:49:00 PM
Gubetta
Comme il plaira à votre Altesse. J'ai encore un conseil à vous donner, c'est de ne point vous démasquer. On pourrait vous reconnaître.
Lucrezia
Et que m'importe ? S'il ne savent pas qui je suis, je n'ai rien à craindre. S'ils savent qui je suis, c'est à eux d'avoir peur.
Victor Hugo, Lucrèce Borgia
1/22/2004 04:51:00 AM

La littérature est mon mode naturel de survie. Dr. Polidori, je vous recommande sérieusement d'en faire l'essai : mangez ce que vous lisez.

Frederico Andahazi, La villa des mystères
1/20/2004 06:34:00 AM

Quelquefois je souriais
Comme si j'étais mort déjà.

Samuel Beckett
1/16/2004 04:42:00 AM

ici l'incipit, là-bas l'explicit

À l'aube de noël 1451, alors qu'il était plongé dans le dernier sommeil, François Villon, poète et malfaiteur, fit un rêve.

Antonio Tabucchi, Rêves de rêves - François Villon
1/11/2004 11:33:00 PM

ici l'incipit, là-bas l'explicit

Une nuit de janvier 1309, alors qu'il gisait sur une paillasse du lazaret de Sienne, enveloppé de bandages nauséabond, Cecco Aniolieri, poète et blasphémateur, fit un rêve.

Antonio Tabucchi, Rêves de rêves - Cecco Angiolieri
1/11/2004 11:27:00 PM

ici l'incipit, là-bas l'explicit

Par une nuit d'octobre, en 165 après Jésus Christ, dans la ville de Carthage, Lucius Apulée, écrivain et mage, fit un rêve.

Antonio Tabucchi, Rêves de rêves - Apulée
1/11/2004 11:20:00 PM

ici l'incipit, là-bas l'explicit

À Tomes, sur la mer Noire, dans la nuit du seize janvier après Jésus Christ, une nuit de gel et de bourrasque, Publius Ovidius Naso, poète et poète et courtisan, rêva qu'il était devenu un poète aimé de l'empereur. Et, en tant que tel, par le miracle des dieux, il s'est transformé en un grand papillon.

Antonio Tabucchi, Rêves de rêves - Ovide
1/11/2004 11:17:00 PM

ici l'incipit, là-bas l'explicit

Une nuit d'il y a des milliers d'années, en un temps qu'il n'est pas possible de calculer avec exactitude, Dédale, architecte et aviateur, fit un rêve

Antonio Tabucchi, Rêves de rêves - Dédale
1/11/2004 11:11:00 PM

Sans doute chaque être a-t-il, dans l'univers de l'écrit, une oeuvre qui le transformera en lecteur, à supposer que le destin favorise leur rencontre.

Amélie Nothomb, Robert des noms propres

1/11/2004 09:34:00 AM

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Il est difficile de se convaincre que votre foyer est l'endroit où vous vous trouvez physiquement et non l'endroit où vous êtes en pensée. J'y parviens parfois. Parfois seulement.

Jonathan Carroll, Os de lune
1/06/2004 11:42:00 PM

via Gabuzomeuh

Ainsi, quand le pianiste attaqua l'Appassionata, quand le conférencier dit : « et soudain », quand le valet servit le martini, tous eurent un mouvement de la bouche, comme des poissons mourants, comme s'ils imploraient un peu d'air, un gramme au moins de cette chose d'un mauvais goût atroce qui s'appelle pitié, amour. Mais personne ne se libérait, personne n'était capable de sortir de la cage de fer où ils se trouvaient enfermés depuis leur naissance, cette stupide boîte d'orgueil qu'est la vie.

Dino Buzzatti, Voyage aux Enfers

1/06/2004 10:06:00 PM