Moi, pour me mourir d'amour comme dans les vieux contes, je me privais de manger, et j'admirais chaque jour dans la glace le dessin de plus en plus saillant de mes côtes, et la pâleur que me donnait ma faiblesse ; j'avais des vertiges, mon corps était léger, j'étais transparente au monde.
Alina Reyes, Le boucherL'homme était parti mais son fantôme demeurait. La chaleur s'était encore épaissie. De la tête-bulbe posée sur le billot fleurissait un faisceau de maladies purulentes, de lésions flamboyantes, d'affections malignes. Langues dures et mauves, oreilles boursouflées coprs suintant de vers par tous leurs pores, une femme sort de son médius la tête jaune d'un serpent, tire doucement sur la bête qui s'extraie de son bras, les vers se gondolent et cherchent à s'arracher des chaires, le ventre s'ouvre et les tripes puantes s'écoulent par terre comme un fleuve de boue où vont les poissons d'or, musardent les poissons-chats, et on entends glouglouter les baleines aux océans de lait et au chant de sirènes, on voit venir la pieuvre embarassée de bras tapie aux fond des eaux derrière son rocher sombre c'est l'antre génital où sont des poupées roses à la mine cruelle celle là est frisée et sourit à deux bouches elle se tient couchées dans les algues dansantes et séduit les requins de ses lèvres-ventouses son ventre est plein de crabes et d'yeux de poissons-fous cette autre flotte et gonfle au gré des courants d'eau on voit à l'intérieur des ondes liquoreuses transporter des bouquets aux senteurs entêtantes et la voilà dressée son bout violet luisant d'où jaillit toute blanche la rose épanouie.
Alina Reyes, Le boucherCeux qui m'auraient vue là m'auraient immédiatement prise en pitié, et gâché tout mon bonheur plein d'espoir. Ainsi sont les autres : ils ne voient pas la beauté dans votre vie, votre vie leur semble horriblement triste si, par exemple, vous n'êtes pas bronzés en plein été. Ils veulent que vous voyez comme eux où est la juste joie, et si vous avez la faiblesse de vous laisser faire, jamais ensuite vous ne trouvez l'occasion de dormir seul dans un fossé, tout déchiré, par une nuit noire.
Alina Reyes, Le boucherThe most prudent and effective method of dealing with the world around us is to assume that it is completely fiction.
J.G. BallardLes idées, si elles sont à l'état pur, c'est un merveilleux bordel. Ce sont des apparitions provisoires d'infini, disait-il. Les idées "claires et distinctes", c'est une invention de Descartes, un attrape-nigauds, ça n'existe pas les idées claires, les idées sont par définition obscures, si tu as une idée claire, ça n'est pas une idée
Alessandro Baricco, CitySi tu veux savoir quand on deviens un mythe, alors écoute : c'est quand tu te retrouves toujours à te battre en duel le dos tourné. Tant qu'ils t'arrivent dessus en face, t'es rien qu'un pistolero. La gloire, c'est un sillage de merde, derrière ton dos.
Alessandro Baricco, CityJe dois arrêter, pensa-t-elle.
On n'arrive jamais nulle part, de cette façon là.
Tout serait plus simple si on ne t'avais pas inculqué cette histoire d'arriver quelque part, si seulement on t'avait appris, plutôt, à être heureux en restant immobile. Toutes ces histoires à propos de ton propre chemin. Trouver ton chemin. Suivre ton chemin. Alors que si ça se trouve on est fait pour vivre sur une place, ou dans un jardin public, là sans bouger, à faire que la vie passe, si ça se trouve on est un carrefour, le monde a besoin qu'on reste là sans bouger, ce serait une catastrophe si on s'en allait, à un moment donné, suivre notre route, mais quelle route ? Les autres sont des routes, moi je suis une place, je ne mène à aucun endroit, je suis un endroit.
Alessandro Baricco, CityÀ tous les chercheurs d'emploi…
1. La candidate peut-elle reconstituer la succession d'échecs qui l'amène aujourd'hui, à son âge, et se trouvant au chômage, à postuler pour un emploi maigrement rétribué et non dépourvu d'inconnues ?
Alessandro Baricco, Cityvia Flo
Some people see things as they are and say why. I see things that never were and say why not.
George Bernard Shawvia La Funambule
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne ?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ?
- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois tu mon âme en rêve ? - Non.
- Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.
Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
via La Muselivre
Peut-on appeler "écrire" n'importe quelle tentative de représentation d'une ébauche de pensée par le biais de symboles graphiques incohérents couchés dans le désordre au mépris total de la grammaire, de la syntaxe, de l'orthographe et du souvenir de mon aïeule Germaine Philippin, institutrice de l'époque missionnaire, qu'une cédille oubliée décourageait aux larmes.
Pierre Desproges, Chroniques de la haine ordinairevia Ciscoblog
Mon univers est mort. Si j'écris, c'est pour pleurer sa fin
Arundhati Royvia KMS
Quand je me sens mal, c'est que je vais bien
Parce qu'avant attention je sentais plus rien
Dans ce pays, les gens ne respectent pas le matin. Ils se font réveiller brutalement par un réveil qui rompt leur sommeil d'un coup de hache et ils s'abandonnent aussi tôt à une hâte funeste. Pouvez-vous me dire ce que peut être ensuite une journée qui a débuté par cet acte de violence ? Que peut-il advenir de gens à qui leur réveil administre un petit choc électrique ? Ils s'accoutument chaque jour à la violence et désapprennent chaque jour le plaisir. Ce sont, croyez-moi, ses matinées qui décident du tempérament d'un homme.
Milan Kundera, La valse aux adieux- Nous avons joué ensemble sur ces collines dans notre enfance, elle et moi. Nous avons fait revivre dans nos jeux la grandeur de l'Île de Givre. Parfois nous étions des reines pirates et nous prenions l'Île d'assault. Mais surtout nous nous imaginions que nous nous emparions du pouvoir du Conseil en éliminant tous les autres membres par la force…
- Tant de violence chez des petites filles ? ne put s'empêcher de lancer Fafhrd. Je croyais que les petites filles cueillaient des fleurs et tressaient des girlandes en jouant à être des épouses et des mères…
- … en les passant par le fil de l'épée, en coupant la gorge de leurs épouses, acheva Afreyt. Oh, nous ramassions aussi des fleurs de temps à autres.
- Nous n'avons jamais réellement vécu. Nous n'avons jamais possedé de terres. Nous n'avons pas dirigé des hommes.
- Fafhrd, tu as l'ivresse triste ! dit en riant le Souricier. Voudrais-tu être fermier ? As-tu oublié qu'un capitaine est prisonnier de son rôle de chaf ? Tiens, bois pour te dégriser, ou tout au moins pour t'égayer.
- Voilà bien la cité de Lankhmar, observa le Souricier. À peine as-tu le dos tourné qu'on bâtit un nouveau temple secret.
- Bonne ventilation, n'empêche, commenta Fafhrd en constatant l'absence de fumée.
Ce qui vient au monde pour ne rien troubler, ne mérite ni patience, ni égards
René CharChez Zénon
Lors des révoltes étudiantes qui secouèrent le monde à la fin des années soixante, un des slogans qui s'adressaient aux professeurs de l'université de Heidelberg proclamait&anbp;: Hier wird nicht zitiert !
, Défense de citer !
Les étudiants voulaient de la pensée originale ; ils oubliaient que citer, c'est poursuivre une conversation avec le passé afin de le resituer dans le contexte du présent ; que citer, c'est faire usage de la bibliothèque de Babel ; que citer, c'est réfléchir à ce qui a été dit avant nous et que faute de le faire, nous parlons dans le vide, là où nulle voix humaine ne peut articuler un son.
via Neverlands
It seems to me that the realest reality lives somewhere beyond the edge of human vision; I don't know that it can ever be seen, but I'll keep looking.
Russel Hobanvia O.
indépendamment de ce qui arrive, n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique.
André BretonQuand tu penses à moi
Toi le loup des steppes
Tout au fond de toi
Ressens-tu l'ivresse
via Zénon
Il est des temps où l'on ne doit dépenser le mépris qu'avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux.
Chateaubriandvia Mailomanie
Engager une correspondance est un acte solennel qui entrouvre une porte sur l'intimité, qui indique une disposition à se livrer, un désir de voir l'autre se dévoiler à son tour. C'est un geste aux conséquences parfois imprévisibles. À tort ou à raison, il y a des plaisirs que certains se refusent, des souffrances que certains prennent garde de ne pas provoquer. Parce qu'il y a cette question : jusqu'où pourrai-je aller, jusqu'où pourrons-nous aller, jusqu'où cela nous mènera-t-il ?
Sylvie Chaput & Marc ChabotChez Ad usum delphinorum
Il y [a] un grand nombre de doutes dont le genre humain ne puisse sortir. La vérité est qu'on aime à s'égarer, et que c'est une espèce de promenade de l'esprit qui ne veut point s'assujettir à l'attention, à l'ordre, aux règles. Il semble que nous sommes si accoutumés au jeu et au badinage que nous nous jouons jusque dans les occupations les plus sérieuses, et quand nous y pensons le moins.
Leibniz, Théodicée(voir cette citation en image)
(la voir plutôt ici en fait)
Il faut que ma lettre présente fasse excuser la lettre d'hier, et la future celle d'aujourd'hui.
André GideJe suis convaincu que le plaisir de lire, le plaisir du livre, la culture du livre mêm, tout cela est intimement lié à une défaite. À une blessure et à une défaite. Lire est toujours la revanche de ceux qui ont été offensés, blessés par la vie. Lire des livres me semble être une façon extrémement intelligente de perdre, ainsi qu'une sorte de renoncement à se battre sur le champ de bataille.
Alessandro Bariccovia the-flo
La bêtise c'est de la paresse. La bêtise c'est un type qui vit et il se dit "ça me suffit. ça me suffit, je vis, je vais bien, ça me suffit", et il se botte pas le cul tous les matins en disant "C'est pas assez, tu ne sais pas assez de choses, tu ne vois pas assez, tu ne fais pas assez de choses". C'est de la paresse je crois la bêtise, une espèce de graisse autour du coeur qui arrive et, une graisse autour du cerveau.
Jacques Brel, Je m'appelle Jacques BrelI'm not sure God want us to be happy. I think he want us to love, and to be loved. But we are like children, thinking our toys will make us happy and the whole world is our nursery. Something must drive us out of that nursery and into the lives of others, and that something is suffering
C.S.Lewis- Vous savez, monsieur, les armées font toujours des dégâts, quelles que soient les idées qu'elles apportent.
- Oui. Nous aussi nous faisons beaucoup de dégâts… Mais nous n'apportons pas d'idées…
Napoléon fit claquer ses doigts comme s'il trouvait enfin une phrase qu'il cherchait depuis un moment. Il s'assura d'un coup d'oeil que les dignitaires de sa suite l'écoutait, et prononça dans un excellent italien :
- Si je n'eusse été l'empereur Napoléon, j'eusse bien voulu être le citoyen Côme Rondeau !
Il fit volte-face et s'éloigna. Sa suite emboîta le pas au milieu d'un grand cliquetis d'éperons.
Tout finit là. On aurait pu s'attendre à voir au bout de la semain Côme décoré de la Légion d'Honneur, il n'en fût rien. Mon frère probablement s'en moquait ; mais nous autres, dans la famille, ça nous aurait fait plaisir.
Italo Calvino, Le baron perchéNous vivons dans un pays où se produisent toujours les causes, et jamais les effets
Italo Calvino, Le baron perchéj'avais l'impression que mon frère, outre sa folie, tombait dans l'imbécilité, chose plus grave et douloureuse ; soit en bien, soit en mal, la folie est une force de la nature, mais l'imbécilité n'en est qu'une faiblesse, sans aucune contrepartie.
Italo Calvino, Le baron perchéLes exploits que fondent une obstination toute intérieure doivent rester muets et secrets ; pour peu qu'on les proclame ou qu'on s'en glorifie, ils semblent vains, privés de sens, deviennent mesquins.
Italo Calvino, Le baron perchéSelon toute apparence, ses longues méditations les yeux dans le vide n'avaient abouti qu'à une grande absence de volonté et un profond ennui. Il agissait comme s'il voyait dans la plus légère difficulté le signe d'une fatalité à laquelle il serait inutile de s'opposer.
Italo Calvino, Le baron perchévia WikiQuote
Read not to contradict and confute, not to believe and take for granted, not to find talk and discourse, but to weigh and consider.
Francis Baconvia Cor ne edito
But it is the empty things that are vast ; things solid are most contracted and lie in little room.
Bacon, The New OrganonFairy tales are more than true : not because they tell us that dragons exist, but because they tell us that dragons can be beaten.
G. K. ChestertonJe nommerai désert ce château que tu fus,
Nuit cette voix, absence de ton visage,
Et quant tu tomberas dans ma terre stérile
Je nommerai néant l'éclair qui t'a porté.
Mourir est un pays que tu aimais. Je viens
Mais éternellement par tes sombres chemins.
Je détruis ton désir, ta forme, ta mémoire,
Je suis ton ennemi qui n'aura de pitié.
Je te nommerai guerre et je prendrai
Sur toi les libertés de la guerre et j'aurai
Dans mes mains ton visage obscur et traversé
Dans mon coeur ce pays qu'illumine l'orage.
A mesure que je vieillis, je crois de plus en plus à mes propres opinions.
Paul ValéryÀ cet âge là, tu ne peux pas t'attendre à ce que ça fonctionne comme de vieux briscarts dans notre genre. C'est fragile, c'est romatique. Ça dit des conneries, je te l'accorde, mais ça les pense vraiment, alors il faut être indulgent : ça ne cherche pas à emmerder son petit papa chéri. D'ailleurs, ça ne sait pas très bien ce que ça cherche, c'est pour ça que ça attrape des migraines. Mais c'est tellement mignon !
Michel Pagel, Nuées adrentesIl n'y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l'accomplit.
René CharAu lieu de m'efforcer de construire le roman que je devais écrire, le roman qu'on attendait de moi, j'ai préféré imaginer le livre que j'aurais aimé lire, un livre trouvé dans un grenier, d'un auteur inconnu, d'une autre époque et d'un autre pays.
Italo Calvino, Nos AncêtresVu chez La Muselivre
Le grand public pense que les livres, comme les oeufs, gagnent à être consommés frais. C'est pour cette raison qu'il choisit toujours la nouveauté.
GoetheHorloge! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi ! »
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible ;
Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison
Trois mille six cents fois par heure la Seconde
Chuchote: Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
Remember ! Souviens-toi ! Prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup! c'est la loi,
Le jour décroît; la nuit augmente; souviens-toi !
La gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide,
Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encore vierge,
Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs vieux lâche ! il est trop tard !
On m'aimait trop ; et comme je ne m'aimais pas, je concluais logiquement à la stupidité de ceux qui m'aimaient
Boris Vian, L'herbe rouge- Oh ! Vous, dit le Sénateur, sous prétexte que rien ne vous amuse, vous croyez que tout le monde est dégouté de tout.
- Bon, dit Wolf, en ce moment, de quoi as-tu envie ?
[…]
- Depuis que j'ai trois mois, dit alors le Sénateur d'un ton confidentiel, je voudrais un ouapiti.
- Un ouapiti, répeta Wolf absent.
Et il reprit aussitôt :
- Un ouapiti ! …
Le Sénateur reprit courage. Sa voix s'affermit.
- Ça au moins, expliqua-til, c'est une envie précise et bien définie.Un ouapiti, c'est vert, ça a des piquants ronds et ça fait glop quant on le jette à l'eau. Enfin… Pour moi… Un ouapiti c'est comme ça.
Ils touchaient la nuit de tout leur corps. Le ciel était baigné d'ombre, mouvant, instable comme le péritoine d'un chat noir en pleine digestion
Boris Vian, L'herbe rougeMon roman est le roc auquel je m'agrippe et je ne sais rien de ce qui se passe dans le monde
Flauberten dépit de toutes les inquiétudes, je repose sur mon roman tel une statue qui regarde au loin, repose sur son socle.
KafkaIt is amazing what you can accomplish if you do not care who gets the credit.
Harry S. TrumanThere is more than one way to burn a book. And the world is full of people running about with lit matches.
Ray BradburyJ'emplis mes poumons de nuit, dans le calme infini d'une pensée en suspens.
J.L. BorgesUn grand écrivain est un homme qui sait nous surprendre en nous disant ce que nous savions depuis toujours
Jean RostandQuelque chose d'aussi peu romantique qu'un lundi matin lorsque tous ceux qui ont du travail se réveillent avec la même préoccupation: se lever et se rendre tout de suite au travail.
Charlotte Brontële soleil, je n'ai jamais pu m'en accommoder; je n'ai pas assez de lumière en moi pour pouvoir m'accorder avec lui. il ne fait que reveiller, que remuer mes ténèbres
CioranC'est l'absence de monde qui fait mal, le monde lui on s'en arrange… Même s'il ravine et détruit les visages, il traverse nos vies pour que juste avant de mourir nous sachions prononcer le nom d'une étoile
Yves SimonJ'imaginais la voix intérieur de cette femme : « Nous sommes là, toit et moi, en train de regarder des choses misérables, sans nous adresser la moindre parole, oubliant même la présence de l'autre. Si une caméra filmait le vide de nos regards et l'ennui de nos visages, si nous étions ensuite confrontés à notre image sur l'écran, je crois que nous baisserions les yeux de honte et de peur. Oui, nous aurions peur de voir ce que nous sommes devenus. » […]
Jean-Paul Dubois, Je pense à autre choseCe sont de très grands ouvrages, tissés extrémements serrés à partir de cheveux humains. Ceux qui les produisent se font appeler des tisseurs de tapis en cheveux. Ils utilisent exclusivement les cheveux de leurs femmes et de leur filles, et l'ensemble du processus est si extraordinairement complexe qu'un tisseur, pour achever un seul tapis, doit y consacrer toute sa vie. [...] Comme le montre ce rapport sociologique, la population de cette planète n'a pratiquement aucune autre activité [...] Il apparaît qu'à ce jour on a trouvé huit mille trois cent quarante-sept planètes productrices de tapis.
Andreas Eschbach, Des milliards d e tapis de cheveuxThe tide rises, the tide falls,
The twilight darkens, the curlew calls;
Along the sea-sands damp and brown
The traveller hastens toward the town,
And the tide rises, the tide falls.
Darkness settles on roofs and walls,
But the sea, the sea in darkness calls;
The little waves, with their soft, white hands,
Efface the footprints in the sands,
And the tide rises, the tide falls.
The morning breaks; the steeds in their stalls
Stamp and neigh, as the hostler calls;
The day returns, but nevermore
Returns the traveller to the shore,
And the tide rises, the tide falls.
Jamais on a rien vu de si indolent qu'étais Nonchalante. Tous les jours elle n'était pas éveillée à une heure après-midi : on la traînait à l'église telle qu'elle sortait de son lit, sa coiffure en désordre, sa robe détachée, point de ceinture, et souvent une mule d'une façon et une de l'autre. On corrigeait cette différence durant la journée ; mais on en pouvait résoudre cette princesse à être jamais autrement qu'en mules : elle trouvait une fatigue insupportable à mettre des souliers. Quand Nonchalante avait dîné, elle se mettait à sa toilette, où elle était jusqu'au soir : elle employait le reste de son temps, jusqu'à minuit, à jouer et à souper ; ensuite on était presque aussi lontemps à la déshabiller qu'on avait été à l'habiller : elle ne parvenait jamais à aller se coucher qu'au grand jour.
Charles Perrault Finette« La beauté, reprit Riquet à la houppe, est un si grand avantage qu'elle doit tenir lieu de tout le reste ; et quand on la possède, je ne vois rien qui puisse vous affliger beaucoup.
- J'aimerais mieux, dit la princesse, être aussi laide que vous, et avoir de l'esprit, que d'avoir la beauté comme j'en ai, et être bête autant que je le suis.
- Il n'y a rien, madame, qui marque davantage qu'on a de l'esprit que de croire n'en pas avoir ; et il est de la nature de ce bien là, que plus on en a, plus on croit en manquer. »
I
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles ...
- On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile:
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
II
O pâle Ophélia! belle comme la neige!
Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;
C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits;
C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux!
Ciel! Amour! Liberté! Quel rêve, ô pauvre Folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton oeil bleu!
III
- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
- les Sept Prêtres Noirs… murmura Fafhrd
- Les six… rectifia le Souricier. Nous en avons tué un, hier au soir.
- Bon, alors les six. Ils ont l'air furieux contre nous.
- Et comment ne le seraient-ils pas ? demanda le Souricier. Nous avons dérobé l'oeil unique de leur idole. Des actes de ce genre contrarient énormément les prêtres.
C'est à la piscine de la porte de pantin que j'aperçu Simon et Marianne pour la première fois. Je les avais très vite repérés car il semblait s'être mis en scène en interprétant des séquences successives de leur vie comme si les autres n'étaient là que pour les regarder. Ils s'épiaient, parfois s'ignoraient, certains que les baigneurs curieux les observaient. […] Malgré leur jeunesse, le maillot fluo de Marianne, les lunettes désespérément mode de Simon, ils m'apparaissaient soudain comme deux petits vieux qui ne comprenaient rien au monde dans lequel ils tremblaient.
Yves Simon, La dérive des sentimentsIl pense au pilote: « Je le sauve de la peur. Ce n'est pas lui que j'attaquais, c'est à travers lui, cette résistance qui paralyse les hommes devant l'inconnu. Si je l'écoute, si je le plains, si je prends au sérieux son aventure, il croira revenir d'un pays de mystère, et c'est du mystère seul dont on a peur. Il faut que des hommes soient descendus dans ce puit sombre, et en remontent, et disent qu'ils n'ont rien rencontrés. Il faut que cet homme descende au coeur le plus intime de la nuit, dans son épaisseur, et même sans cette petite lampe de mineur, qui n'éclaire que les mains ou l'aile, mais écarte d'une largeur d'épaule l'inconnu. »
Antoine de Saint-Exupéry Vol de nuitLe sens d'un mot n'est autre que l'écheveau scintillant de concepts et d'images qui luisent un instant autour de lui. La rémanence de cette clarté sémantique orientera l'extension du graphe lumineux déclenché par le mot suivant, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'une forme particulière, une image globale brille un instant dans la nuit du sens. Elle transformera peut-être imperceptiblement la carte du ciel, puis disparaîtra pour laisser place à d'autres constellations.
Pierre Lévy Les technologies de l'intelligenceJamais nous n'avons d'apparence, que nous parlions
Ou que nous écrivions; sauf quand nous regardons. Ce que nous sommes
Ne peut passer dans un livre ou un mot.
Infiniment notre âme est loin de nous.
Et quelque forte soit la volonté que nos pensées
Soient notre âme, en imitent le geste,
Nous ne pouvons jamais communiquer nos coeurs.
Aucune habilité de la pensée, aucune ruse des semblants
Ne peut franchir l'abîme entre deux âmes.
Nous sommes de nous même un abrégé, quand nous voudrions
Clamer notre être à notre pensée.
Nous sommes les rêves des lueurs de nos âmes,
Et l'un l'autre des rêves les rêves des autres.
[Son amant] disait que lorsqu'on marchait derrière elle, et qu'elle le savait, le balancement et le jeu de ses hanches sveltes était quelque chose d'intensément artistique, quelque chose qu'apprenaient aux jeunes filles arabes, dans des écoles spéciales, des entremetteurs parisiens spéciaux qu'on étranglait par la suite.
I was the shadow of the waxwing slain
By the false azure of the window pane.
Ce fût une année de tempête: Le Cyclone
Lolita souffla de la Floride au Maine.
Mars rutila. Des chahs se marièrent. De sombres Russes
Espionnèrent. Lang fit ton portrait. Et un soir, je mourus.
a selection among Gabe Robins'selection
« Don't be so humble - you are not that great. » - Golda Meir (1898-1978) to a visiting diplomat
« His ignorance is encyclopedic » - Abba Eban (1915-2002)
« The power of accurate observation is frequently called cynicism by those who don't have it. » - George Bernard Shaw (1856-1950)
« Be nice to people on your way up because you meet them on your way down. » - Jimmy Durante
« All truth passes through three stages. First, it is ridiculed. Second, it is violently opposed. Third, it is accepted as being self-evident. » - Arthur Schopenhauer (1788-1860)
« If you want to make an apple pie from scratch, you must first create the universe. » - Carl Sagan
« Wit is educated insolence. » - Aristotle (384-322 B.C.)
« Reality is merely an illusion, albeit a very persistent one. » - Albert Einstein (1879-1955)
« It is better to be quotable than to be honest. » - Tom Stoppard
« He has all the virtues I dislike and none of the vices I admire. » - Sir Winston Churchill (1874-1965)
« Your Highness, I have no need of this hypothesis. » - Pierre Laplace (1749-1827), to Napoleon on why his works on celestial mechanics make no mention of God.
« He is one of those people who would be enormously improved by death. » - H. H. Munro (Saki) (1870-1916)
Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d'eux seuls préoccupés, goûtaient l'un à l'autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d'être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s'admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises, car elle le regardait trop, mais toujours de toute âme approuvées, qui lui murmurait qu'ils étaient amoureux, et elle avait alors un impalpable rire tremblé, voilà, oui, c'était cela, amoureux, et il lui murmurait qu'il se mourait de baiser et bénir les longs cils recourbés, mais non pas ici, plus tard, lorsqu'ils seraient seuls, et alors elle murmurait qu'ils avaient toute la vie, et soudain elle avait peur de lui avoir déplu, trop sûre d'elle, mais non ô bonheur, il lui souriait, et contre lui la gardait, et murmurait que tous les soirs, oui, tous les soirs ils se verraient.
Albert Cohen Belle du SeigneurMalheur à ceux à qui la perfide nature a donné des sens inapaisables! Les gens calmes, nés sans instincts violents, vivent honnêtes par nécessité.Le devoir est facile à ceux que ne torturent jamais les désirs enragés.
Guy de Maupassant L'enfantNotre grand tourment dans l'existence vient de ce que nous sommes éternellement seuls, et tous nos efforts, tous nos actes ne tendent qu'à fuir cette solitude. Ceux-là, ses amoureux des bancs en plein air, cherchent comme nous, comme toutes les créatures, à faire cesser leur isolement, rien que pendant une minute au moins; mais ils demeurent, ils demeureront toujours seuls; et nous aussi.
Guy de Maupassant La solitude- Quel était donc le principe de Sherlock Holmes ? "Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité."
- Je rejette entièrement ce raisonnement, dit sèchement Dirk. L'impossible a souvent une sorte d'intégrité qui manque à ce qui est simplement improbable.
J'étudie le langage monsieur Healey. Vous écrivez avec fluidité et conviction, vous parlez avec maîtrise et autorité. Une idée complexe par ici, une proposition abstraite par là, vous jonglez avec, vous jouez avec, vous séduisez. Vous ne partez pas du doute pour aboutir à la compréhension, vous ne connaissez pas de rupture, pas de questionnement, pas de curiosité. Vous vous efforcez de persuader les autres, pas vous même. Vous identifiez les modèles mais vous les réarrangez alors que vous devriez les analyser. En bref, vous ne pensez pas. Vous n'avez jamais pensé. Vous ne m'avez jamais rien dit que vous croyiez vrai, mais uniquement des choses qui sonnent vrai et qui peut être même doivent l'être: des choses qui sont en phase avec la personnalité que vous venez d'adopter. Vous trichez, vous court-circuitez, vous mentez. C'est trop formidable.
C'est pourquoi vous êtes un menteur. Les autres font de leur mieux, quand ils parlent, ils pensent ce qu'ils disent. Vous ne pensez jamais ce que vous dites. Vous étendez votre duplicité jusqu'à votre morale. Vous usez et mésusez des gens et des idées parce que vous ne croyez pas qu'ils existent. Il ne sont pour vous que des modèles avec lessquels vous jouez. Vous êtes un chien fou et vous le savez
Stephen FryMenteur, Menteur
Il l'a tirée
De sa poche percée,
L'a mise sous ses yeux ;
Et l'a bien regardée
En disant : " Malheureux ! "
Il l'a soufflée
De sa bouche humectée ;
Il avait presque peur
D'une horrible pensée
Qui vint le prendre au coeur.
Il l'a mouillée
D'une larme gelée
Qui fondit par hasard ;
Sa chambre était trouée
Encor plus qu'un bazar.
Il l'a frottée
Ne l'a pas réchauffée
A peine il la sentait ;
Car, par le froid pincée,
Elle se retirait.
Il l'a pesée
Comme on pèse une idée,
En l'appuyant sur l'air.
Puis il l'a mesurée
Avec du fil de fer.
Il l'a touchée
De sa lèvre ridée. -
D'un frénétique effroi
Elle s'est écriée :
Adieu, embrasse-moi !
Il l'a baisée,
Et après l'a croisée
Sur l'horloge du corps,
Qui rendait, mal montée,
De mats et lourds accords.
Il l'a palpée
D'une main décidée
A la faire mourir. -
- Oui, c'est une bouchée
Dont on peut se nourrir.
Il l'a pliée,
Il l'a cassée,
Il l'a placée,
Il l'a coupée ;
Il l'a lavée,
Il l'a portée,
Il l'a grillée,
Il l'a mangée.
Quand il n'était pas grand on lui avait dit : Si tu as faim, mange une de tes mains.
Mais il était trop tard. Il avait provoqué le courroux de la providence en résistant à trop de tentations. Il ne lui restait que le ciel où il ne rencontrerait seulement que ceux qui, comme lui, auraient gaspillé leur séjour terrestre.
Francis Scott FitzgeraldLa sorcière rousseSes yeux se tournèrent vivement sur la droite. La tablée voisine était devenue si turbulente que le maître d'hôtel s'était approché pour leur glisser quelques mots. Caroline discutait avec lui d'une voix si forte, si claire, si jeune qu'elle se faisait écouter du restaurant tout entier... à l'exception d'Olive Masters absorbée par son nouveau secret.
- Ravie de faire votre connaissance, proclamait Caroline. Sûrement le plus joli maître d'hôtel en captivité. Trop de bruit ? désolant. Il faudrait y remédier. Gérald, dit-elle à son voisin de droite, le maître d'hôtel trouve qu'il y a trop de bruit. Il compte sur nous pour y mettre un terme. Que faire ?
- Chut! admonesta Gérald tout en riant. Chut! (Merlin l'entendit continuer à mi-voix) Les bourgeois vont être en émoi. C'est ici que les chefs de rayons apprennent le français.
Caroline bondit, électrisée.
- Où y a-t-il un chef de rayon ? s'écria-t-elle. Montrez-moi un chef de rayon.
- Sacré nom de dieu! Descendez de là! cria le maître d'hôtel. Arrêtez cette musique!
Mais l'orchestre jouait déjà si fort que les musiciens pouvaient feindre de n'avoir pas entendu cette ordre; se souvenant d'avoir été jeunes, ils jouèrent plus fort et plus gaiment que jamais, et Caroline dansait avec grâce et vivacité; sa robe rose, diaphane, volait autour d'elle, ses bras agiles tracaient dans l'air enfumé des gestes souples, subtils.
Qq unes des citations aléatoires chez Flo
Vous reconnaissez vos amis à ce qu'ils ne vous empêchent pas d'être seul, à ce qu'ils éclairent votre solitude sans l'interrompre. Christian Bobin
Toute ma force vient d'une totale absence de lest intérieur. Louis Calaferte
L'amour, c'est le contact en tout, physiquement et spirituellement. C'est de penser ensemble aux mêmes choses, de ressentir les mêmes émotions devant un spectacle. C'est chercher dans les yeux de l'autre le reflet de cette émotion. Georges Simenon
Soit nous faisons de notre vie un roman, soit on ne s'en sortira jamais. Douglas Coupland
Stories only happen to those who can tell them. Paul Auster
Reality is that which when you stop believing in it... doesn't go away. Philip K.Dick
J'ai tant de sentiment
Que je me persuade fréquemment
Que je suis un sentimental.
Pourtant je reconnais, quand je me considère,
Que tout cela est une affaire de pensée,
Et qu'au bout du compte je n'ai en rien senti.
Nous avons, nous tous qui vivons,
D'une part une vie vécue
Et de l'autre une vie pensée:
L'unique vie que nous ayons
Est celle qui est partagée
Entre l'authentique et la fausse.
Mais des deux vies, laquelle est authentique,
Laquelle est fausse, il n'y a personne au monde
Capable de nous l'expliquer;
Alors nous vivons de façon
Que la vie que nous avons
Est celle qui doit se penser.
Elle s'éclaircit de gris, la nuit pluvieuse,
Car le jour est arrivé,
Et le jour ressemble à un habit de veuve
Aux couleurs déjà passées.
Encore sans lumière, sinon la clarté de l'obscur,
Le ciel pleut ici,
Et c'est encore un ailleurs, encore un mur
De lui-même absent.
Je ne sais quelle tâche m'attend aujourd'hui,
Mais je la sais inutile déjà…
Et je fixe de loin mon âme déjà froide
De ce que je ne ferai pas.
Ajourne toute chose. On ne doit jamais faire aujourd'hui ce qu'on peut tout aussi bien négliger de faire demain. Il n'est même pas besoin de faire quoi que ce soit, ni aujourd'hui ni demain. Ne pense jamais à ce que tu vas faire. Ne le fais pas. […] Deviens aux yeux des autres un sphinx absurde. Enferme-toi, mais sans claquer la porte, dans ta tour d'ivoire. Et cette tour d'ivoire, c'est toi-même. Et si l'on vient te dire que tout cela est faux, est absurde, n'en crois rien. Mais ne crois pas non plus ce que je te dis, car on ne dois croire à rien.
Bernardo SoaresDe l'art de bien rêverJe ne vaux pas grand chose, je ne crois en rien et, pourtant, tous les matins je me lève.
Jean-Paul DuboisTous les matins je me lèveEn me levant, j'ai eu une idée de livre. Enfin, pas une idée de livre, une idée de phrase. Quand je commençais une histoire, c'était toujours à partir d'une phrase qui me passait par la tête, une phrase de rien du tout.Je me suis mis à ma table et j'ai écrit: « Quand je commence un livre, j'ai peur de mourir avant de l'avoir fini. Même quand je n'écris pas un livre, j'ai toujours peur de mourir. » Et j'en suis resté là. J'ai passé une heure à essayer de trouver une suite, mais je n'y suis pas arrivé.
Jean-Paul DuboisTous les matins je me lèveIl y a deux sortes de gens.
Il y a ceux qui vivent, jouent et meurent.
Et il y a ceux qui ne font jamais rien d'autre que se tenir en équilibre sur l'arête de la vie.
Il y a les acteurs.
Et il y a les funambules.
Car en vérité, le plus difficile pour elle, ce n'était pas de tenir en équilibre, ni même de dominer sa peur, encore moins de marcher sur ce fil continu, ce fil de musique entrecoupé de vertiges éblouissants, le plus difficile, lorsqu'elle s'avançait dans la lumière du monde, c'était de ne pas s'avancer en flocon de neige.
Maxence FermineNeigeJe lui en fait griller deux parce que, ce matin, nous avons de la confiture d'airelles. Avec l'abricot ou l'orange, elle ne prends effectivement qu'un seul toast, mais avec l'airelle, elle va se laisser tenter par un second, elle ne le sait pas encore, mais moi si. Les voilà les cinq secondes d'avance. Je suis capable de terminer la plupart des phrases qu'elle commence. Dans un magasin, j'arrive à repérer l'objet qui va immanquablement attirer son regard. Quand nous faisons l'amour, je peux déterminer la seconde exacte où elle va vouloir changer de position. Je sais qu'elle va utiliser l'adjectif curieux chaque fois qu'elle goûte au sorbet gingembre, et volubile quand elle croise un bavard. Elle ne rencontre jamais personne de loquace, de prolixe ou de verbeux, mais que des gens volubiles.
Tonino BenacquistaTransfertLe bourbon m'emmène ailleurs, chez ce type qui fait la longue liste des misères de la journée. I woke up this morning... S'il ne s'était pas levé ce matin, il n'aurait pas écrit une si belle musique. Il n'y a pas que les gens doués en ce bas monde. Il y a aussi les laborieux, comme moi. Ceux qui n'ont pas fait grand chose mais qui ont de la mémoire.
Tonino BenacquistaUn temps de bluesLe but d'une lecture intelligente est votre instruction. Cela fera mieux que de vous aider à passer le temps ; la lecture changera la nature de vos relations avec autrui ; elle déterminera en vous des perceptions plus rapides, de nouveaux concepts et de nouvelles formes de pensée, car sa fonction principale est de vous éveiller. Et grâce à la lecture vous découvrirez en vous-même et dans le monde des possibilités nouvelles.
H.P. LovecraftSuggestions pour un guide du lecteurÇa chauffait en Idaho. Souriant,
Étranglé, dans son camion rouge et argent,
Il s'excitait au nom de l'actrice Elke Sommer.
La pleine lune semblait éveiller le pire en lui.
Tout comme sa voisine Debra Earl, vingt-huit ans.
Lake Charles, Louisiana.
Pronostic: peu favorable. À la fermeture du bal des vétérans,
les autorités trouvèrent un agenda, une carabine ordinaire,
Un ticket de caisse pour de l'antigel. «J'ai un problème. Je suis
Un cannibale.»
Il parlait de projets,
D'un diplôme d'enseignant, d'une affaire de bonbons à mi-temps.
Des silhouettes de sa petite amie de l'école élémentaire
Étaient collées sur le canon de son arme.
D'accord, je reconnais que quarante-cinq minutes de bruits de frigo peuvent manquer d'entrain. Il faudrait jazzer tout ça, demander à quelques vocalistes en vogue de chanter par dessus le ronron du fluide réfrigérant, à quelques producteurs renommés d'échantillonner les diverses composantes de la vibration et de les réagencer en un grand mur de sonorités frigorifiques. Là, je pense que l'affaire tournerait, je suis sûr que vous auriez une jolie petite source de revenus entre les mains.
Will SelfMon idée du plaisir- Tout est en ordre. Seulement je suis fatigué de l'ordre, Aldo, voilà ce qui est. [...] Les choses ont abouti pour moi, tu vois, Aldo. Mon travail a été béni, comme on dit, et tout cela, tu vois, c'est de la terre bien acquise. Je m'en vais accablé de biens légitimes.
Julien GracqLe rivage des SyrtesLe regard qui traverse ces silhouettes se perd dans une profondeur où l'on craint de lire; la fascination qu'elles exercent tient au soupçon qui nous vient que la communication privilégiée - fût-ce pour le pire - qui leur a été consentie les a haussés, pour quelques secondes qu'il valait la peine d'être, à une instance suprême de la vie: nous dansons comme un bouchon sur un océan de vagues folles qui à chaque instant nous dépassent, mais un instant du monde dans la pleine lumière de la conscience a abouti à eux - un instant en eux l'angoisse éteinte du possible a fait la nuit - le monde orageux de millions de charges éparses s'est déchargé en eux dans un immense éclair - leur univers, refluant de toute parts sur eux autour d'un passage où nous imaginons que la sécurité profonde se mêle inextricablement à l'angoisse, a été une seconde celui de la balle dans le canon du fusil.
Julien GracqLe rivage des SyrtesLe dos tourné aux bruits de la ville, elle faisait tomber sur ce jardin, dans sa fixité de statue, la solennité soudaine que prend un paysage sous le regard d'un banni; elle était l'esprit solitaire de la vallée, dont les champs de fleurs se colorèrent pour moi d'une teinte soudain plus grave, comme la trame de l'orchestre quand l'entrée pressentie d'un thème majeur y projette son ombre de haute nuée. La jeune fille tourna soudain sur ses talons tout d'un pièce et me sourit malicieusement. C'est ainsi que j'avais connu Vanessa.
Julien GracqLe rivage des SyrtesC'était un pays plus libre et plus sauvage, où la terre, laissant affleurer sa surface pure, semblait nous inviter, en exaspérant d'elle-même notre vitesse, à nous rendre sensible comme du doigt sa seule courbure austère, et, aspirant toujours plus loin notre machine lancée à fond de course, indéfiniment à faire basculer ses horizons. La nuit monta de l'est et s'éleva sur nous comme un mur d'orage; la tête renversée dans les coussins, au coeur de l'obscurité, je me plongeai longuement aux constellations calmes, dans une exaltation silencieuse: ses dernières étoiles devaient briller pour nous sur les Syrtes.
Julien GracqLe rivage des SyrtesI saw the best minds of my generation destroyed by madness, starving hysterical naked, dragging themselves through the negro streets at dawn looking for an angry fix, angelheaded hipsters burning for the ancient heavenly connection to the starry dynamo in the machinery of night, [...], who were expelled from the academies for crazy & publishing obscene odes on the windows of the skull, who cowered in unshaven rooms in underwear, burning their money in wastebaskets and listening to the Terror through the wall, [...],
Allen GinsbergThe HowlI've seen the best minds of my generation running on empty, super glued to the T.V., dreaming of prosperity, talking incessently... saying nothing. Sleepin on platforms in train stations sippin on chemical cocktails alive to the universe and dead to the world, hallucinating delusions of mediocrity and candied desperate in the pursuit of cool [...] the city's all wrapped up in plastic like an electronic cocoon if you lay in the street you can hear it humming filling up slowly from underground if you close your eyes you can observe the blue prints the man-made DNA that spirals breathlessly out of control as synapse collapse bridges snap into a restless utopia [...]
Meg Lee ChinNutopiaMaintenant nous sommes là. Comme des niais. Silencieux face aux excités. Avec nos coups d'éclats manqués et notre vague envie de vomir.
Anna GavaldaL'échappée belleDes enfants ! Moi, des enfants ! Je suis cruel mais pas à ce point là !
Harry MulischLa découverte du cielArrêtons de dire n'importe quoi ! Tout le monde sait que Amsterdam est la Seconde Jérusalem, qui a en partage l'éthique hyberbiogéométrique renforcée de Dante, de Goethe et de la reine Esther avec ses trente six essènes et ses trente six tsaddiqim, et la nouvelle mathématique mondiale messianico-pythagoricienne, entiérement novatrice, la mathématique originelle de la sagesse panique du monde antédiluvien, explication de l'Ancien et du Nouveau Testament, c'est à dire des nouvelles lois juives de l'harmonie des nombres premiers et des paires premières de Moïse, de David et de Salomon [...]
Harry MulischLa découverte du ciel- Pourquoi tout le monde ne lit-il pas cette histoire ?
- Parce ce que tout le monde ne me connaît pas
- Quel sort affreux ce doit être, de ne pas te connaître
- La pensée même m'en est insupportable
- Moi aussi, j'ai longtemps vécu cet enfer
- Arrête moi si je me trompe, dit Onno, mais tu es bien en train de me parler de la mort de ta mère, pour faire ensuite une plaisanterie douteuse et finalement reluquer une passante ? Tu es quel genre de type au juste ?
- Un type qui reluque une femme en parlant de la mort de sa mère apparement. D'ailleurs je parlais aussi de la mort de mon père.
Ils parlaient peu et cela aussi lui plaisait. Musicienne du silence. On pouvait bavarder avec n'importe qui, estimait-il, mais garder ensemble un silence qui ne soit pas pesant, voilà qui était beaucoup plus rare.
Harry MulischLa découverte du ciel