« Guillemets »
Extraits, Citations — Quotes, Excerpts

Jamais on a rien vu de si indolent qu'étais Nonchalante. Tous les jours elle n'était pas éveillée à une heure après-midi : on la traînait à l'église telle qu'elle sortait de son lit, sa coiffure en désordre, sa robe détachée, point de ceinture, et souvent une mule d'une façon et une de l'autre. On corrigeait cette différence durant la journée ; mais on en pouvait résoudre cette princesse à être jamais autrement qu'en mules : elle trouvait une fatigue insupportable à mettre des souliers. Quand Nonchalante avait dîné, elle se mettait à sa toilette, où elle était jusqu'au soir : elle employait le reste de son temps, jusqu'à minuit, à jouer et à souper ; ensuite on était presque aussi lontemps à la déshabiller qu'on avait été à l'habiller : elle ne parvenait jamais à aller se coucher qu'au grand jour.

Charles Perrault Finette
7/27/2003 02:23:00 PM

« La beauté, reprit Riquet à la houppe, est un si grand avantage qu'elle doit tenir lieu de tout le reste ; et quand on la possède, je ne vois rien qui puisse vous affliger beaucoup.
- J'aimerais mieux, dit la princesse, être aussi laide que vous, et avoir de l'esprit, que d'avoir la beauté comme j'en ai, et être bête autant que je le suis.
- Il n'y a rien, madame, qui marque davantage qu'on a de l'esprit que de croire n'en pas avoir ; et il est de la nature de ce bien là, que plus on en a, plus on croit en manquer. »

Charles Perrault Riquet à la houppe
7/27/2003 02:22:00 PM

I
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles ...
- On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile:
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.


II
O pâle Ophélia! belle comme la neige!
Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté;
C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits;
C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux!
Ciel! Amour! Liberté! Quel rêve, ô pauvre Folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton oeil bleu!


III
- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.

Arthur Rimbaud, Ophélie
7/15/2003 06:11:00 PM

- les Sept Prêtres Noirs… murmura Fafhrd
- Les six… rectifia le Souricier. Nous en avons tué un, hier au soir.
- Bon, alors les six. Ils ont l'air furieux contre nous.
- Et comment ne le seraient-ils pas ? demanda le Souricier. Nous avons dérobé l'oeil unique de leur idole. Des actes de ce genre contrarient énormément les prêtres.

Fritz Leiber, Épées et mort
7/01/2003 05:22:00 PM