« Guillemets »
Extraits, Citations — Quotes, Excerpts

Trouvez moi un homme qui vit seul et dont la cuisine est sale en permanence, et six fois sur dix je vous montrerai un homme exceptionnel. Charles Bukowski après sa dix-neuvième bière. Trouvez moi un homme qui vit seul et dont la cuisine est propre en permanence, et neuf fois sur dix je vous montrerai un homme tout à fait détestable. Charles Bukowski, même jour, une bière de plus.


12/20/2005 02:49:00 AM

Les rues sont si vieilles, étroites et sinueuses qu'elles n'ont pas de nom et les numéros des maisons ne dépendent pas de leur emplacement mais de la date de leur construction. Résultat, le numéro 3 est à côté du numéro 46 et ainsi de suite. On dirait que le diable en personne est allé là-bas, un jour, et qu'il n'a jamais retrouvé la sortie. Cela signifie qu'il y est toujours.

Philip Pullman, La princesse de Razkavie
12/04/2005 12:38:00 AM

via Cor ne edito

homme approximatif comme moi comme toi lecteur et comme les autres
amas de chairs bruyantes et d'échos de conscience
complet dans le seul morceau de volonté ton nom
transportable et assimilable poli par les dociles inflexions des femmes
divers incompris selon la volupté des courants interrogateurs
homme approximatif te mouvant dans les à-peu-près du destin
avec un cœur comme valise et une valse en guise de tête…

Tristan Tzara, L'homme aproximatif
12/02/2005 02:39:00 AM

via KMS

Tu sais ce que disait Louise Brooks ? Qu'on ne peut pas tomber amoureuse d'un type bien ou gentil. Parce que les choses sont ainsi faites qu'on n'aime jamais vraiment que les salopards. […] Cette phrase m'était tombée dessus comme une sorte de fatalité castratrice.

Jean Paul Dubois, Une vie Française
12/02/2005 12:58:00 AM

via egOphélia

I hope she'll be a fool - that's the best thing a girl can be in this world, a beautiful little fool.

F. Scott Fitzgerald, The great Gatsby
11/08/2005 08:12:00 AM

via La république des livres

Que d'autres se targuent des pages qu'ils ont écrites ; moi, je suis fier de celles que j'ai lues.

Borgès, Éloge de l'ombre
10/18/2005 12:42:00 AM

via Raymond Alcovère

Devant l'impossibilité de tout savoir, la plupart ont choisi de ne savoir rien.

Louis Scutenaire, Mes inscriptions
10/11/2005 01:54:00 AM

Adieu tristesse
Bonjour tristesse
Tu es inscrite dans les lignes du plafond
Tu es inscrite dans les yeux que j'aime
Tu n'es pas tout à fait la misère
Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent
Par un sourire
Bonjour tristesse
Amour des corps aimables
Puissance de l'amour
Dont l'amabilité surgit
Comme un monstre sans corps
Tête désappointée
Tristesse beau visage.

Paul Éluard, La vie immédiate
9/14/2005 04:11:00 PM

Quelqu'un a fait les présentations, il a fait un trait d'esprit, dans l'espoir qu'on l'aimerait. Elle a ri extrêmement fort, dans l'espoir qu'on l'aimerait. Chacun est rentré seul chez soi, regardant la route droit devant, le visage contracté exactement de la même manière.

L'homme qui les avait présentés ne les aimait guère ni l'un ni l'autre, même s'il faisait comme si, soucieux qu'il était de ménager des relations cordiales en toutes circonstances. Car enfin, sait-on jamais sait-on jamais sait-on jamais.

David Foster Wallace, Une histoire ultra-condensée de l'ère postindustrielle
9/14/2005 04:07:00 PM

— Vous pensez peu au futur, n'est-ce pas ? C'est le privilège de la jeunesse
— Je vous en prie, ne me jetez pas ainsi ma jeunesse à la tête. Je m'en sers aussi peu que possible ; je ne crois pas qu'elle me donne droit à tous les privilèges ou à toutes les excuses. Je n'y attache pas d'importance.
— À quoi attachez-vous de l'importance ? À votre tranquilité, à votre indépendance ?
— À rien. Je ne pense guère, vous savez.

Françoise Sagan, Bonjour tristesse
9/14/2005 04:07:00 PM

Pour la consoler, une idée cynique me vint, qui m'enchanta comme toutes les idées cyniques que je pouvais avoir : cela me donnait une sorte d'assurance, de complicité avec moi-même, enivrante.

Françoise Sagan, Bonjour tristesse
9/14/2005 04:07:00 PM

Je ne connaissais rien ; il allait me montrer Paris, le luxe, la vie facile. Je crois bien que la plupart de mes plaisirs d'alors, je les dus à l'argent : le plaisir d'aller vite en voiture, d'avoir une robe neuve, d'acheter des disques, des livres, des fleurs. Je n'ai pas honte encore de ces plaisirs faciles, je ne puis d'ailleurs les appeler faciles que parce que j'ai entendu dire qu'ils l'étaient. Je regretterais, je renierais plus facilement mes chagrins ou mes crises mystiques. Le goût du plaisir, du bonheur représente le seul côté cohérent de mon caractère.

Françoise Sagan, Bonjour tristesse
9/14/2005 04:07:00 PM

Sur ce sentiment inconnu dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. C'est un sentiment si complet, si égoïste que j'en ai presque honte alors que la tristesse m'a toujours paru honorable. Je ne la connaissais pas, elle, mais l'ennui, le regret, plus rarement le remords. Aujourd'hui, quelque chose se replie sur moi comme une soie, énervante et douce, et me sépare des autres.

Françoise Sagan, Bonjour tristesse
9/14/2005 04:06:00 PM

Via L'annexe

On demande sans cesse de nouveaux livres, et il y a, dans ceux que nous avons depuis longtemps, des trésors inestimables de science et d'agréments qui nous sont inconnus, parce que nous négligeons d'y prendre garde. C'est le grand inconvénient des livres nouveaux : ils nous empêchent de lire les anciens.

Joubert
8/31/2005 04:18:00 PM

via Phnk

Pour qui écrit-on un roman ? Pour qui écrit-on un poème ? Pour des gens qui ont lu certains autres romans, certains autres poèmes. On écrit un livre pour qu'il puisse être placé à côté d'autres livres, pour qu'il entre sur un étagère hypothétique et, en y entrant, la modifie en quelque manière, chasse de leur place d'autres volumes ou les fasse rétrograder au second rang, provoque l'avancement au premier rang de certains autres.

Italo Calvino
8/26/2005 11:58:00 AM

Il aimait aussi la physique mais tenait pour suspecte toute activité qui tendait à un but ; c'est pourquoi il était noblement paresseux et, naturellement, détestait le fascisme.

Primo Levi, Le système périodique
8/15/2005 11:28:00 AM

via Ute

J'ai songé souvent aussi à mes parents. Ils croient que je suis leur enfant, que je suis comme eux. Mais malgré l'affection que je leur porte, je suis pour eux un étranger qu'ils ne peuvent comprendre. Et ce qui fait que je suis moi, ce qui, peut-être, constitue mon âme, c'est cela qui leur semble accessoire et qu'ils mettent sur le compte de la jeunesse ou d'un caprice passager. Ça ne les empêche pas de m'aimer et de me vouloir du bien. Un père lègue à son enfant son nez, ses yeux, et même son intelligence : il ne lui transmet pas son âme. Tout être humain a une âme neuve.

Hermann Hesse, Knulp
8/05/2005 01:38:00 AM

Vu chez y la luna ?

Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout.

Breton
7/26/2005 07:58:00 AM

Nous ne nous étions guère vu durant ce temps, mais il m'écrivait fréquemment, plus souvent qu'il ne recevait de réponses. Désormais, c'est moi qui serai plus âgé que lui, toujours plus, et si tant est que je vive assez vieux, il m'apparaîtra alors comme un jeune homme que j'ai connu autrefois.


Là, j'avais eu mauvaise conscience, car je ne lui avais pas téléphoné pour son anniversaire. Les jours précédents, je m'étais maintes fois promis de lui passer un coup de fil, mais je ne l'avais pas fait. Il en avait toujours été ainsi entre nous deux. Adrian se montrait invariablement le plus attentionné et aussi le plus fidèle.


Peut-être n'avait-il jamais remarqué le déséquilibre qui marquait notre échange de marques d'amitiés, une distortion qui m'a si souvent laissé la désagréable impression d'être débiteur.


Je suis toujours assez gauche et mal à l'aise, même si, au fil des ans, j'ai à peu près appris à savoir comment me conduire.

Peu à peu, je me suis fait à l'idée que je ne suis pas le seul dans ce cas, mais cela a pris maintes années pour le découvrir. Nous, les sceptique et les maladroits, ne nous soucions pas de nous faire connaître, et nous nous sentons donc plus solitaires qu'il ne le faut, tandis que nous nous efforçons de mettre un pied devant l'autre, de suivre la conversation, de trouver le mot juste, bref, de donner l'impression que, nous aussi, nous avons le droit d'être traités comme des êtres humaines.


J'essayais bien de prendre part à l'agitation optimiste et pétulante des autres, mais au fond de moi, j'étais seul. Comme ma mère, me suis-je rendu compte. Elle et moi, nous nous trouvions chacun de son côté du temps où l'on mesure la réalité à l'aune effrenée de ses espoirs. Elle n'osait plus en avoir autant, tandis que, moi, je n'avais pas encore d'idée précise de ce que j'espérais. En revanche, la solitude était identique, cette sensation d'être enfermé dans l'éternel ici et maintenant des jours. Comme une tortue dans son aquarium ou un explorateur polaire qui, engoncé dans son anorak de granit, regarde fixement l'océan arctique, même si ce dernier a fondu depuis longtemps.


Il existe une forme de bonheur, un bonheur quotidien souvent dénigré et réellement négligé, où tout ce que l'on est se voit traduit sans déformations en gestes simples et répétés. Et cette simplicité vaut que l'on prépare le repas ensemble, que l'on fasse l'amour ou que l'on se trouve dans la même pièce. Nous aimions les mêmes choses, riions des mêmes choses et nos corps s'habituaient l'un à l'autre jusqu'à ce qu'il ne soit presque plus possible de sentir nos propres caresses, comme si les mains de l'un et de l'autre étaient reliées par les mêmes fibres nerveuses.


Nous n'avions presque pas d'argent mais notre existence avait du style. Je m'en suis rendu compte quelques années plus tard, quand Julie est partie. Elle était trop fière pour emporter quelque chose, et il restait partout des petits exemples de son ingéniosité et de son sens du détail. Si c'était sa façon de me punir, elle n'aurait pu le faire de manière plus raffinée. Elle avait un don phénoménal pour chiner chez les brocanteurs, et les objets les plus négligés et délaissés avaient retrouvé une nouvelle vie après qu'elle les avait ajustés dans l'ensemble soigneusement composé qu'était notre chez-soi. Cela peut paraître superficiel, mais la vie est vécue en surface, et l'amour se dissimule parfois dans les moindres choses.


C'était un de nos hobbies de faire des commentaires sur les gens que nous avions rencontrés une fois rentrés à la maison. Nous étions rarement rosses, mais nous ne pouvions pas nous empêcher de nous gausser des petites scènes que les gens mettent en scène, poussés par le besoin de donner à leur existence une apparence importante et exceptionnelle. Bien entendu, toute existence est importante pour celui qui la vit, mais elle est rarement exceptionnelle.


Je ne l'avais jamais trompée auparavant. De fait, je n'avais jamais eu l'occasion d'être infidèle à quiconque. Cela n'appartenait pas à mon répertoire et je tâtonnais comme un vulgaire amateur. J'avais l'impression qu'une vitre nous séparait, et j'étais seul de mon côté. De l'autre côté, tout avait l'air d'un film, le sourire mystérieux de Julie, l'éclat des tubes fluorescents qui se reflétaient sur les peintures des voitures, l'écho de nos pas sur le béton et le tintement des clefs.


Je cherchais donc refuge dans mes pensées ressassées et familières car je ne savais que faire de moi au milieu des riches silhouettes bruyantes et profondément modernes qui m'entouraient. Leurs rires étaient trop féroces, leurs sourires bien trop étincelants. Elles respiraient tellement la réussite, tandis que je me sentais petit et raté, moi qui aime tant trôner dans le fauteuil patiné de mon arrière-boutique, majestueusement coupé de mon siècle trépidant aux néons criards.

Jens Christian Grøndahl, Bruits du cœur
7/24/2005 11:58:00 AM

Les larmes jaillirent de mes yeux. Quelle indicible beauté ! Pouvais-je malgré tout apprendre des autres ? Lire, voilà ce que je devais faire ! Tout lire !

Harry Mulisch, Le pupille
7/14/2005 07:24:00 AM

Quelle était la situation là-bas à présent ? Je n'avais pas lu les journaux durant tous ces mois d'absence, et encore moins écouté la radio ; mais d'après moi, il n'était pas exclu qu'il y vente et qu'il y pleuve encore. Même la guerre n'avait probablement rien pu y changer.

Harry Mulisch, Le pupille
7/14/2005 07:23:00 AM

de nombreuses citations de Bobin chez Jobin

On pourrait recenser les livres suivant l'embarras d'en parler

Christian Bobin, La part manquante
6/22/2005 12:49:00 PM

Dans la vitrine de la librairie, tu as aussitôt repéré la couverture et le titre que tu cherchais. Sur la trace de ce repère visuel, tu t'es aussitôt frayé un chemin dans la boutique, sous le tir de barrage nourri des livres-­que-­tu-­n'as-­pas-­lus, qui, sur les tables et rayons, te jetaient des regards noirs pour t'intimider. Mais tu sais que tu ne dois pas te laisser impressionner. Que sur des hectares et des hectares s'étendent les livres-­que-­ tu-­peux-­te-­passer-­de-­lire, les livres-­faits-­pour-­d'autres-­usages-­que-­la-­lecture, les livres-­qu'on-­a-­déjà-­lus-­sans-­avoir-­besoin-­de-­les-­ouvrir-­parce-­qu'ils-­appartiennent-­à-­la-­catégorie-­du-­déjà-­lu-­avant-­même-­d'avoir-­été-­écrits. Tu franchis donc la première rangée de murailles : mais voilà que te tombe dessus l'infanterie des livres-­que-­tu-­lirais-­volontiers-­si-­tu-­avais-­plusieurs-­vies-­à-­vivre-­mais-­malheureusement-­les-­jours-­qui-­te-­restent-­à-­vivre-­sont-­ce-­qu'ils-­sont. Tu les escalades rapidement et tu fends la phalange des livres-­que-­tu-­as-­l'intention-­de-­lire-­mais-­il-­faudrait-­d'abord-­en-­lire-­d'autres, des livres-­trop-­chers-­que-­tu-­achéteras-­quand-­ils-­seront-­revendus-­à-­moitié-­prix, des livres-­idem-­voir-­ci-­dessus-­quand-­ils-­seront-­repris-­en-­poche, des livres-­que-­tu-­pourrais-­demander-­à-­quelqu'un-­de-­te-­prêter, des livres-­que-­tout-­le-­monde-­a-­lu-­et-­c'est-­donc-­comme-­si-­tu-­les-­avaient-­lus-­toi-même. Esquivant leurs assauts, tu te retrouves sous les tours du fortin, face aux efforts d'interception des livres-­que-­depuis-­longtemps-­tu-­as-­l'intention-­de-­lire, des livres-­que-­tu-­as-­cherché-­pendant-­des-­années-­sans-­les-­trouver, des livres-­qui-­concernent-­justement-­un-­sujet-­qui-­t'intéresse-­en-­ce-­moment, des livres-­que-­tu-­veux-­avoir-­à-­ta-­portée-­en-­toute-­circonstances, des livres-­que-­tu-­pourrais-­mettre-­de-­côté-­pour-­les-­lire-­peut-­être-­cet-­été, des livres-­dont-­tu-­as-­besoin-­pour-­les-­aligner-­avec-­d'autres-­sur-­un-­rayonnage, des livres-­qui-­t'inspirent-­une-­curiosité-­soudaine-­frénétique-­et-­peu-­justifiable. Bon, tu as au moins réussi à réduire l'effectif illimité des forces adverses à un ensemble considérable, certes, mais cependant calculable, d'éléments en nombre fini, même si ce relatif soulagement est mis en péril par les embuscades des livres-­que-­tu-­as-­lus-­il-­y-­a-­si-­longtemps-­qu'il-­serait-­temps-­de-­les-­relire, et des livres-­que-­tu-­as-­toujours-­fait-­semblant-­d'avoir-­lus-­et-­qu'il-­faudrait-­aujourd'hui-­te-­décider-­à-­lire-­pour-­de-­bon.

Italo Calvino, Si par une nuit d'hiver un voyageur
6/19/2005 12:11:00 PM

Ce n'est pas que tu attendes quelque chose de particulier de ce livre particulier. Tu es un homme qui, par principe, n'attends plus rien de rien. Il y a tant de gens, plus jeunes que toi ou moins jeunes, dont la vie se passe dans l'attente d'expériences extraordinaires. Avec les livres, les personnes, les voyages, les événements, tout ce que l'avenir garde en réserve. Toi, non. Tu sais que le mieux qu'on puisse espérer, c'est d'éviter le pire. C'est la conclusion à laquelle tu es arrivé dans ta vie privée comme pour les problèmes plus généraux, et même mondiaux. Et avec les livres ? Justement : comme tu y as renoncé dans tous les autres domaines, tu crois pouvoir te permettre le plaisir juvénile de l'expectative au moins dans un secteur bien circonscrit comme celui des livres. À tes risques et périls : la déconvenue n'est pas bien grave.

Italo Calvino, Si par une nuit d'hiver un voyageur
6/19/2005 12:10:00 PM

via The-Flo

Liste des essentiels

Carnets de notes grifouillages secrets et pages démentes
dactylographiées pour ton propre plaisir
soumis à tout, ouvert, à l'écoute
quelque chose que tu sens trouvera sa propre forme
sois saint fou et idiot de l'esprit
écris ce que tu veux du fond de l'esprit
les visions indicibles de l'individu
pas de temps pour la poésie mais exactement ce qui est
en transe-fixation rêvant l'objet devant toi
défais-toi des inhibitions littéraires, grammaticales et
syntaxiques
comme Proust sois une vieille tête-herbe du temps
racontant la vraie histoire du monde
en monologue intérieur
écris à partir du substantiel oeil du milieu, nageant
dans mer de langue
ne pense pas aux mots quand tu t'arrêtes sauf pour
mieux voir l'image
ni peur ni honte de la dignité de ton expérience, de ta
langue et connaissances
livre-film est le film en paroles, la forme
Américaine visuelle
composant frénétique, sans discipline, pur, émergeant
d'en dessous
le plus fou le mieux ça vaut
écrivain-metteur en scène de films Terrestres
subventionnés et Angélisés au Ciel.

Jack Kerouac, Mexico city blues, préface
6/05/2005 03:45:00 PM

Je te narine je te chevelure
je te hanche
tu me hantes
je te poitrine
je buste ta poitrine puis te visage
je te corsage
tu m'odeur tu me vertige
tu glisses
je te cuisse je te caresse
je te frissonne
tu m'enjambes
tu m'insupportable
je t'amazone
je te gorge je te ventre
je te jupe
je te jarretelle je te bas je te Bach
oui je te Bach pour clavecin sein et flûte

je te tremblante
tu me séduis tu m'absorbes
je te dispute
je te risque je te grimpe
tu me frôles
je te nage
mais toi tu me tourbillonnes
tu m'effleures tu me cernes
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerines rouges
et quand tu ne haut-talon pas mes sens
tu les crocodiles
tu les phoques tu les fascines
tu me couvres
je te découvre je t'invente
parfois tu te livres

tu me lèvres humides
je te délivre et je te délire
tu me délires et passionnes
je t'épaule je te vertèbres je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n'omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m'aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dents je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine
je t'aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues et te veines

je te mains
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t'ombre je te corps et te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t'iris

je t'écris
tu me penses

Ghérasim Luca, La fin du monde - prendre corps
6/01/2005 10:30:00 AM

via A.-F.R.

Il suffit que dans le plein des choses, nous ménagions certains creux, certaines fissures — et dès que nous vivons nous le faisons — pour faire venir au monde cela même qui lui est le plus étranger : un sens.

Merleau-Ponty, La Prose au monde
5/19/2005 01:49:00 AM

Beckett endpage

..this place, if I could describe this place, portray it, I've tried, I feel no place, no place around me, there's no end to me, I don't know what it is, it isn't flesh, it doesn't end, it's like air...

Samuel Beckett, The Unnamable
4/18/2005 06:10:00 AM

— Ça vous est déjà arrivé d'être heureux ?
Marco ne réflechit pas.
— Oui, souvent. Parfois, j'ai l'impression que jamais je ne l'ai été, mais aujourd'hui, à cet instant, je sais que oui.
— C'était comment ?
— Des instants sans questions.

Yves Simon, Transit-Express
4/03/2005 02:09:00 PM

— Tu crois qu'il suffit d'accumuler livres, objets, disques ou histoires ? / D'habitude, les gens résolvent ces problèmes en faisant un enfant. Mais peut-être penses-tu posséder le souffle créateur ?
— Je ne pense pas, Myriade. Tout cela vient après, et puis tu connais ma solitude / (…ou peut-être seulement pour la combler de présences qui m'appartiennent.)

Ambrosi, L'homme à la fenêtre
2/19/2005 07:43:00 AM

via L'homme qui marche

Après une longue exploration de la littérature et de la philosophie chinoises, j'arrive à la conclusion que leur plus haut idéal a toujours été un homme détaché de la vie et sagement désenchanté. Cette sagesse engendre une certaine hauteur de caractère qui donne la possibilité à chacun d'avancer dans l'existence avec une ironie tolérante, d'échapper aux tentations de la gloire, de la richesse, des exploits, et finalement, d'accepter les événements. De ce détachement découlent aussi le sens de la liberté, l'amour du vagabondage, de l'orgueil, de la nonchalance. Car seul le sens de la liberté et de l'oisiveté permet d'atteindre la joie de vivre intensément.

Lin YuTang, L'Importance de vivre
2/19/2005 02:32:00 AM

via clb

Je relis lentement, lucidement, morceau par morceau, tout ce que j'ai écrit. Et je trouve que cela est nul, et que j'aurais mieux fait de ne jamais l'écrire. Les choses réalisées que ce soit des phrases ou des empires, acquièrent, de ce seul fait, le pire côté des choses réelles, dont nous savons bien qu'elles sont périssables. Ce n'est pas cela cependant, que je ressens et qui m'afflige réellement, c'est que cela ne valait pas la peine de l'écrire, et que de temps perdu à le faire, je ne l'ai gagné que dans l'illusion maintenent évanouie, que cela valait la peine.

Fernando Pessoa / Bernardo Soares, Le Livre de l'intranquilité
2/10/2005 05:24:00 AM

Un livre doit remuer des plaies, en provoquer même. Un livre doit être un danger

Cioran, Ébauches de vertige

2/01/2005 01:38:00 PM

La véritable élégance morale consiste dans l'art de déguiser ses victoires en défaites

Cioran, Ébauches de vertige

2/01/2005 01:38:00 PM

Toute concession qu'on fait s'accompagne d'un amoindrissement intérieur dont on n'a pas conscience sur le coup.

Cioran, Ébauches de vertige

2/01/2005 01:38:00 PM

je ne suis pas un douteur, je suis un idolâtre du doute, un douteur en ébullition, un douteur en transe, un fanatique sans credo, un héros de la fluctuation.

Cioran, Ébauches de vertige

2/01/2005 01:38:00 PM

Alors qu'on préparait la ciguë, Socrate était en train d'apprendre un air de flûte. "à quoi bon cela te servira-t-il ? lui demande-t-on. — À savoir cet air avant de mourir."

Si j'ose rappeler cette réponse trivialisée par les manuels, c'est parce qu'elle me paraît l'unique justification sérieuse de toute volonté de connaître, qu'elle s'exerce au seuil de la mort ou à n'importe quel autre moment.

Cioran, Ébauches de vertige

2/01/2005 01:38:00 PM

J'essaie de combattre l'intérêt que je prends pour elle, je me figure ses yeux, ses joues, son nez, ses lèvres, en plein putréfaction. Rien n'y fait : l'indéfinissable qu'elle dégage persiste. C'est dans des moments pareils que l'on comprends pourquoi la vie à réussi à se maintenir, en dépit de la Conniassance.

Cioran, Ébauches de vertige

2/01/2005 01:38:00 PM

Visite d'un jeune homme qu'une dame m'avait recommandé, en précisant bien qu'il s'agissait d'un "génie". Après m'avoir donné des détails d'un voyage qu'il venait de faire en Afrique, il me parla de ses préoccupations, de ses lectures, de ses projets. Dans tout ce qu'il disait, il y avait quelque chose qui n'allait pas, une fièvre vide, qui me mettait mal à l'aise. Impossible de savoir qui il était et ce qu'il valait. Au bout d'une heure, il se leva, je me levai aussi, il me regarda fixement et, tout à la fois concentré et absent, s'avança dans ma direction lentement, très lentement, comme un escargot halluciné. Je me rappelle avoir fait la remarque : "Ce génie veut m'assassiner", et me reculai d'un pas, avec la ferme résolution de lui appliquer un coup de poing en pline figure s'il continuait à s'approcher. Il s'arrêta, eut un geste nerveux, comme s'il se faisait violence, et que, autre docteur Jeckyll, il résistât à quelque sinistre métamorphose, puis se calma, retourna s'asseoir en s'efforçant de sourire. Je ne lui posai aucune question qui pût le troubler. Nous reprîmes la conversation exactement où elle avait été interrompue, et à mesure qu'il revenait à lui-même, je sentais que son état me gagnait et que maintenant c'était à moi de me lever. Quand heureusement il eut l'idée de s'en aller.

Cioran, Ébauches de vertige

2/01/2005 01:37:00 PM

Via Étolane

L'imaginaire et le réel sont deux lieux de la vie.

Jacques Lacan
1/18/2005 01:35:00 PM

via Jonathan Carroll

Being a poet is not writing a poem, but finding a new way to live.

Paul la Cour
1/07/2005 05:18:00 PM

via Lunar

The hardest thing is to go to sleep at night, when there are so many urgent things needing to be done. A huge gap exists between what we know is possible with today's machines and what we have so far been able to finish.

Donald Knuth
1/06/2005 03:23:00 PM