« Guillemets »
Extraits, Citations — Quotes, Excerpts

Ils me détestent royalement tout simplement à cause de ceci et cela et ceci et cela, à cause de diverses rumeurs, fondées ou non, comme par exemple la nuit où j'ai menacé de défoncer la gueule à un type en chaise roulante… c'était vrai mais c'était pour blaguer et quand les types de 30 ans plus jeunes que moi commencent à sortir de la baraque en courant parce que je leur ai dit qu'ils seraient les prochains, je me suis demandé : pourquoi je leur ferais plaisir à ces connards ? Alors tu vois Carl, avec toutes ces histoires, j'ai pas besoin de forcer la dose, je suis dans la liste noire de cette ville de lèche-cul, de coteries, je suis dans cette grosse chatte sanglante de ville fantôme…


J'irai m'acheter deux bouteilles de vin et je me mettrai devant ma machine à écrire un soir. Bien sûr avec cette façon de faire on commet beaucoup d'erreurs, mais je n'ai rien contre les erreurs. Je pense que les gens de lettres sont trop mielleux, trop prudents, et cachent leurs erreurs. On les emmerde, pas vrai ?


J'écris des trucs parce que c'est une sorte de maladie dont je guéris en écrivant, mais une fois terminé ça ne me dérange pas le moins du monde si d'autres personnes attrapent la même maladie en lisant le livre, tu vois ce que je veux dire ?


J'ai 57 ans et j'ai prouvé que je pouvais boire aussi longtemps et aussi sec que n'importe qui. Je pense qu'à un certain moment le corps longtemps ignoré demande un peu de répis et de gentillesse. en ce qui me concerne, il a attendu un sacré bout de temps sur le pas de la porte…


À une certain époque, je marchais à une barre de confiserie par jour tout en écrivant mes nouvelles — une barre de confiserie et gros rouge — et pendant dix vieilles années j'ai picolé et crevé la dalle. je mettais les doigts dans la bouche et je retirais mes dents. tout ce que j'avais à faire c'était de faire bouger la dent qui ne tenait plus et ça marchait. ou alors j'avais des dents qu'il me suffisait de tripoter un peu pour qu'elles se cassent en morceaux. c'était intéressant et ça ne me faisait pas peur du tout. ça ne m'a posé vraiment aucun problème jusqu'à ce que je commence à mieux me nourrir et à mieux boire à partir de 1970. Je suis même allé voir un dentiste il y a de cela qqs années, il a regardé mes radios et il a dit : "Je n'arrive pas à comprendre. On dirait que vos dents ont laissé tomber et que d'un seul coup elles ont décidé de ne plus laisser tomber."


Je suis curieux de savoir comment les gens font pour se rendre visite quand on a à peine le temps de faire ce qu'il y a de singulier et de nécessaire, et l'une des choses les plus importantes à faire c'est d'expédier toute la merde et les choses insignifiantes pour éviter que les forces de l'ignorance et de l'abrutissement ne t'assassinent, et l'autre chose essentielle à faire c'est de tenir éloigné de toute choseces moments merveilleux où l'on ne fait absolument rien. C'est comme une respiration tranquille et si tu n'arrives pas à l'avoir alors peu importe ce que tu feras d'autres, rien ne pourra prendre forme. Mais les gens n'ont pas l'air d'avoir besoin de cette dernière. Ils ont besoin "d'intimité", cette légendaire humanité de la futilité.


Charles Bukowski, extraits de sa Correspondance entre 1958 et 1994
4/06/2006 12:18:00 PM