« Guillemets »
Extraits, Citations — Quotes, Excerpts

Je lui en fait griller deux parce que, ce matin, nous avons de la confiture d'airelles. Avec l'abricot ou l'orange, elle ne prends effectivement qu'un seul toast, mais avec l'airelle, elle va se laisser tenter par un second, elle ne le sait pas encore, mais moi si. Les voilà les cinq secondes d'avance. Je suis capable de terminer la plupart des phrases qu'elle commence. Dans un magasin, j'arrive à repérer l'objet qui va immanquablement attirer son regard. Quand nous faisons l'amour, je peux déterminer la seconde exacte où elle va vouloir changer de position. Je sais qu'elle va utiliser l'adjectif curieux chaque fois qu'elle goûte au sorbet gingembre, et volubile quand elle croise un bavard. Elle ne rencontre jamais personne de loquace, de prolixe ou de verbeux, mais que des gens volubiles.

Tonino BenacquistaTransfert
2/27/2003 11:38:00 AM

Le bourbon m'emmène ailleurs, chez ce type qui fait la longue liste des misères de la journée. I woke up this morning... S'il ne s'était pas levé ce matin, il n'aurait pas écrit une si belle musique. Il n'y a pas que les gens doués en ce bas monde. Il y a aussi les laborieux, comme moi. Ceux qui n'ont pas fait grand chose mais qui ont de la mémoire.

Tonino BenacquistaUn temps de blues
2/27/2003 09:10:00 AM

Le but d'une lecture intelligente est votre instruction. Cela fera mieux que de vous aider à passer le temps ; la lecture changera la nature de vos relations avec autrui ; elle déterminera en vous des perceptions plus rapides, de nouveaux concepts et de nouvelles formes de pensée, car sa fonction principale est de vous éveiller. Et grâce à la lecture vous découvrirez en vous-même et dans le monde des possibilités nouvelles.

H.P. LovecraftSuggestions pour un guide du lecteur
2/24/2003 05:14:00 PM

Ça chauffait en Idaho. Souriant,
Étranglé, dans son camion rouge et argent,
Il s'excitait au nom de l'actrice Elke Sommer.
La pleine lune semblait éveiller le pire en lui.
Tout comme sa voisine Debra Earl, vingt-huit ans.
Lake Charles, Louisiana.
Pronostic: peu favorable. À la fermeture du bal des vétérans,
les autorités trouvèrent un agenda, une carabine ordinaire,
Un ticket de caisse pour de l'antigel. «J'ai un problème. Je suis
Un cannibale.»
Il parlait de projets,
D'un diplôme d'enseignant, d'une affaire de bonbons à mi-temps.
Des silhouettes de sa petite amie de l'école élémentaire
Étaient collées sur le canon de son arme.

Donna TartTrue Crime
2/24/2003 05:11:00 PM
Citation dédiée aux amateurs d'électro

D'accord, je reconnais que quarante-cinq minutes de bruits de frigo peuvent manquer d'entrain. Il faudrait jazzer tout ça, demander à quelques vocalistes en vogue de chanter par dessus le ronron du fluide réfrigérant, à quelques producteurs renommés d'échantillonner les diverses composantes de la vibration et de les réagencer en un grand mur de sonorités frigorifiques. Là, je pense que l'affaire tournerait, je suis sûr que vous auriez une jolie petite source de revenus entre les mains.

Will SelfMon idée du plaisir
2/10/2003 09:16:00 PM

- Tout est en ordre. Seulement je suis fatigué de l'ordre, Aldo, voilà ce qui est. [...] Les choses ont abouti pour moi, tu vois, Aldo. Mon travail a été béni, comme on dit, et tout cela, tu vois, c'est de la terre bien acquise. Je m'en vais accablé de biens légitimes.

Julien GracqLe rivage des Syrtes
2/10/2003 07:16:00 AM

Le regard qui traverse ces silhouettes se perd dans une profondeur où l'on craint de lire; la fascination qu'elles exercent tient au soupçon qui nous vient que la communication privilégiée - fût-ce pour le pire - qui leur a été consentie les a haussés, pour quelques secondes qu'il valait la peine d'être, à une instance suprême de la vie: nous dansons comme un bouchon sur un océan de vagues folles qui à chaque instant nous dépassent, mais un instant du monde dans la pleine lumière de la conscience a abouti à eux - un instant en eux l'angoisse éteinte du possible a fait la nuit - le monde orageux de millions de charges éparses s'est déchargé en eux dans un immense éclair - leur univers, refluant de toute parts sur eux autour d'un passage où nous imaginons que la sécurité profonde se mêle inextricablement à l'angoisse, a été une seconde celui de la balle dans le canon du fusil.

Julien GracqLe rivage des Syrtes
2/10/2003 07:13:00 AM

Le dos tourné aux bruits de la ville, elle faisait tomber sur ce jardin, dans sa fixité de statue, la solennité soudaine que prend un paysage sous le regard d'un banni; elle était l'esprit solitaire de la vallée, dont les champs de fleurs se colorèrent pour moi d'une teinte soudain plus grave, comme la trame de l'orchestre quand l'entrée pressentie d'un thème majeur y projette son ombre de haute nuée. La jeune fille tourna soudain sur ses talons tout d'un pièce et me sourit malicieusement. C'est ainsi que j'avais connu Vanessa.

Julien GracqLe rivage des Syrtes
2/09/2003 12:39:00 PM

C'était un pays plus libre et plus sauvage, où la terre, laissant affleurer sa surface pure, semblait nous inviter, en exaspérant d'elle-même notre vitesse, à nous rendre sensible comme du doigt sa seule courbure austère, et, aspirant toujours plus loin notre machine lancée à fond de course, indéfiniment à faire basculer ses horizons. La nuit monta de l'est et s'éleva sur nous comme un mur d'orage; la tête renversée dans les coussins, au coeur de l'obscurité, je me plongeai longuement aux constellations calmes, dans une exaltation silencieuse: ses dernières étoiles devaient briller pour nous sur les Syrtes.

Julien GracqLe rivage des Syrtes
2/08/2003 09:57:00 AM

I saw the best minds of my generation destroyed by madness, starving hysterical naked, dragging themselves through the negro streets at dawn looking for an angry fix, angelheaded hipsters burning for the ancient heavenly connection to the starry dynamo in the machinery of night, [...], who were expelled from the academies for crazy & publishing obscene odes on the windows of the skull, who cowered in unshaven rooms in underwear, burning their money in wastebaskets and listening to the Terror through the wall, [...],

Allen GinsbergThe Howl

I've seen the best minds of my generation running on empty, super glued to the T.V., dreaming of prosperity, talking incessently... saying nothing. Sleepin on platforms in train stations sippin on chemical cocktails alive to the universe and dead to the world, hallucinating delusions of mediocrity and candied desperate in the pursuit of cool [...] the city's all wrapped up in plastic like an electronic cocoon if you lay in the street you can hear it humming filling up slowly from underground if you close your eyes you can observe the blue prints the man-made DNA that spirals breathlessly out of control as synapse collapse bridges snap into a restless utopia [...]

Meg Lee ChinNutopia
2/06/2003 09:54:00 AM

Maintenant nous sommes là. Comme des niais. Silencieux face aux excités. Avec nos coups d'éclats manqués et notre vague envie de vomir.

Anna GavaldaL'échappée belle
2/05/2003 04:10:00 PM

Des enfants ! Moi, des enfants ! Je suis cruel mais pas à ce point là !

Harry MulischLa découverte du ciel
2/05/2003 04:10:00 PM

Arrêtons de dire n'importe quoi ! Tout le monde sait que Amsterdam est la Seconde Jérusalem, qui a en partage l'éthique hyberbiogéométrique renforcée de Dante, de Goethe et de la reine Esther avec ses trente six essènes et ses trente six tsaddiqim, et la nouvelle mathématique mondiale messianico-pythagoricienne, entiérement novatrice, la mathématique originelle de la sagesse panique du monde antédiluvien, explication de l'Ancien et du Nouveau Testament, c'est à dire des nouvelles lois juives de l'harmonie des nombres premiers et des paires premières de Moïse, de David et de Salomon [...]

Harry MulischLa découverte du ciel
2/05/2003 04:09:00 PM

- Pourquoi tout le monde ne lit-il pas cette histoire ?
- Parce ce que tout le monde ne me connaît pas
- Quel sort affreux ce doit être, de ne pas te connaître
- La pensée même m'en est insupportable
- Moi aussi, j'ai longtemps vécu cet enfer

Harry MulischLa découverte du ciel
2/05/2003 04:09:00 PM

- Arrête moi si je me trompe, dit Onno, mais tu es bien en train de me parler de la mort de ta mère, pour faire ensuite une plaisanterie douteuse et finalement reluquer une passante ? Tu es quel genre de type au juste ?
- Un type qui reluque une femme en parlant de la mort de sa mère apparement. D'ailleurs je parlais aussi de la mort de mon père.

Harry MulischLa découverte du ciel
2/05/2003 04:07:00 PM

Ils parlaient peu et cela aussi lui plaisait. Musicienne du silence. On pouvait bavarder avec n'importe qui, estimait-il, mais garder ensemble un silence qui ne soit pas pesant, voilà qui était beaucoup plus rare.

Harry MulischLa découverte du ciel
2/05/2003 03:58:00 PM